Après deux années record, le service de vélos en libre-service de la métropole lilloise marque un léger recul. En cause : une concurrence accrue, des changements d’habitudes et une attente autour du nouveau modèle de vélo prévu à l’automne.

Un ralentissement relatif dans un contexte de transition
Le V’lille, système de vélos en libre-service lancé en 2011 et géré par Ilévia pour le compte de la Métropole Européenne de Lille (MEL), a franchi un cap important ces dernières années. En 2022 et 2023, le service avait enregistré des records historiques en termes de fréquentation, témoignant d’une adhésion massive des habitants et usagers de la métropole. Mais l’année 2024 marque une inflexion, avec un total de 3 055 705 locations, en recul de 1,3 % par rapport à l’année précédente.
Un chiffre à relativiser, tempère la MEL, qui rappelle que 2024 constitue tout de même la troisième meilleure année de l’histoire du V’lille.
« L’année 2024 a confirmé l’importance des V’lille dans les déplacements urbains, avec 3 055 705 locations enregistrées », souligne la MEL dans un communiqué.
« Cette année reste la troisième meilleure en termes de fréquentation, juste derrière 2023 et 2022. »
Ce tassement s’inscrit dans un environnement en mutation, où l’offre de mobilité urbaine s’élargit. De nouveaux acteurs, notamment des services de vélos électriques en libre-service, plus modernes mais aussi plus coûteux, sont venus concurrencer V’lille, en particulier dans le centre de Lille.
Hausse des abonnements, poussée par la crise du métro
En parallèle de cette baisse des locations ponctuelles, le service a enregistré une hausse remarquable des abonnements. Le nombre d’abonnés a atteint 19 750 en 2024, soit une augmentation de 22 % par rapport à l’année précédente.
Cette progression est à nuancer : elle s’explique en partie par l’offre d’abonnement gratuit proposée aux usagers d’Ilévia, en octobre 2024, pour compenser les perturbations du métro.
« En dix jours, 2 100 abonnements ont été souscrits », indique Ilévia.
« Cette campagne exceptionnelle a permis de fidéliser un nouveau public. »
Outre les abonnés réguliers, V’lille a compté plus de 240 000 clients occasionnels sur l’année, un chiffre en baisse par rapport aux 310 000 utilisateurs occasionnels enregistrés en 2022. Une évolution qui semble confirmer une mutation des usages, avec un recentrage sur les déplacements du quotidien plutôt que sur les trajets ponctuels.
Une infrastructure en expansion
Le réseau V’lille reste dense, avec 258 stations réparties sur 20 communes et une flotte de 2 600 vélos. Chaque jour de semaine, environ 10 000 locations sont enregistrées, soit une moyenne de quatre emprunts quotidiens par vélo.
D’ici à 2030, la MEL prévoit une extension du réseau à 300 stations, en intégrant de nouvelles communes dans l’agglomération. Un effort destiné à améliorer l’accessibilité et à renforcer la présence du service au-delà du cœur métropolitain.
« L’objectif est de mailler le territoire de façon plus équitable et d’inciter les habitants des couronnes périphériques à adopter la mobilité douce », explique un responsable du service mobilités de la MEL.
Actuellement, les stations les plus sollicitées se situent toutes à Lille intra-muros. La gare Lille-Flandres, la place Richebé et Flandres-Euralille figurent parmi les sites les plus fréquentés.
Un usage inégal selon les territoires
Le succès du V’lille reste très contrasté d’une commune à l’autre. Dans le centre de Lille, il n’est pas rare de voir des stations entièrement vides ou pleines, preuve de l’usage intensif du service. En revanche, dans les communes plus éloignées ou au tissu urbain plus diffus, l’adoption reste limitée.
« C’est à Lille que le service fonctionne le mieux depuis le lancement en 2011 », rappelle la MEL.
« Les communes plus éloignées peinent à développer la culture du vélo urbain. »
Ce déséquilibre interroge sur la stratégie d’expansion. La demande existe-t-elle en dehors du centre ? Comment adapter l’offre dans des territoires où la densité de population et les habitudes de déplacement diffèrent ? Des questions auxquelles la MEL devra répondre, notamment dans le cadre du futur Schéma directeur vélo métropolitain.
Un nouveau modèle de vélo attendu en septembre
Pour accompagner ce nouveau cycle de développement, Ilévia prépare le lancement d’un nouveau V’lille, plus léger, plus ergonomique et plus facile à entretenir. Sa mise en service est prévue pour septembre 2025, avec une première série de tests dès l’été.
Ce changement de matériel pourrait relancer l’attractivité du service, notamment face aux vélos électriques concurrents, qui séduisent de plus en plus d’usagers urbains.
« Le nouveau V’lille a été pensé pour répondre aux attentes exprimées par les usagers : confort, robustesse, mais aussi connectivité et simplicité d’usage », précise l’opérateur.
Il reste cependant à savoir si ce renouvellement technique suffira à enrayer le fléchissement observé en 2024.
Perspectives à moyen terme
Alors que les politiques publiques de mobilité tendent vers une réduction de la voiture en ville et une promotion active des modes doux, le V’lille conserve un rôle central dans l’arsenal de la MEL. La mise en circulation de nouveaux vélos, l’élargissement du réseau et la possible montée en puissance de l’électrification du parc sont autant de leviers pour redynamiser l’usage.
Mais cette relance nécessitera également des choix clairs : faut-il investir dans davantage de stations en périphérie ? Comment répondre à la saturation de certaines stations lilloises ? Et surtout, comment faire du vélo une solution de déplacement de masse, au même titre que les transports en commun ?
L’année 2025 s’annonce décisive pour ce service emblématique de la mobilité métropolitaine.