Le PDG de LVMH accuse l’économiste d’idéologie et dénonce un projet fiscal qu’il estime dangereux pour l’économie française. Gabriel Zucman réplique en défendant sa recherche et en réaffirmant la nécessité d’une contribution minimale des milliardaires.

Une polémique autour d’un impôt inédit
La proposition d’un impôt annuel de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, baptisée « taxe Zucman », continue de diviser le pays. Soutenu par une partie de la gauche qui y voit un moyen de réduire le déficit budgétaire, le projet est vivement critiqué par le patronat et les formations politiques du centre à l’extrême droite.
Selon les estimations de Gabriel Zucman, ce prélèvement concernerait environ 1 800 foyers fiscaux et rapporterait jusqu’à 20 milliards d’euros par an. Ses opposants contestent ces chiffres et dénoncent une mesure susceptible de fragiliser l’investissement et la compétitivité.
Arnault contre-attaque
Dans une interview accordée au Sunday Times, Bernard Arnault a choisi de s’attaquer frontalement au promoteur de la taxe.
« Gabriel Zucman met au service de son idéologie (qui vise la destruction de l’économie libérale, la seule qui fonctionne pour le bien de tous) une pseudo-compétence universitaire qui elle-même fait largement débat », a-t-il déclaré.
Le PDG de LVMH, première fortune française et septième mondiale selon Forbes (154 milliards de dollars en septembre), estime que ce projet revient à vouloir « mettre à terre l’économie française ». Il rappelle par ailleurs que son groupe a versé près de 15 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés en dix ans.
La riposte de Gabriel Zucman
Face à ces attaques, l’économiste franco-américain a répliqué sur X.
« Bonjour M. Bernard Arnault, la fébrilité n’autorise pas la calomnie. Les milliardaires ne paient pas ou presque d’impôt sur le revenu et 86 % des Français ont raison de vouloir mettre fin à ce privilège. »
Professeur à l’École normale supérieure et à l’université de Berkeley, Gabriel Zucman défend la légitimité de ses travaux.
« Contrairement à ce que vous affirmez, je n’ai jamais été militant dans aucun mouvement ni encarté dans aucun parti. Je n’ai pour seule activité que mon travail de chercheur et d’enseignant », précise-t-il.
Il ajoute que ses recherches sur la mondialisation et la redistribution « font référence » et qu’en les qualifiant de « pseudo-compétence universitaire », Bernard Arnault s’attaque à la liberté académique.
Un débat au cœur de la société française
La controverse dépasse la seule opposition entre le milliardaire et l’économiste. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a réagi en accusant Bernard Arnault de manquer de solidarité nationale.
« Ce qui détruit notre économie et plus encore notre société, c’est l’absence de toute forme de patriotisme de la part des ultra-riches », a-t-il écrit sur X.
Du côté des organisations patronales, le ton est tout aussi ferme. Le président du MEDEF, Patrick Martin, estime que la taxe Zucman risque de fragiliser des entreprises valorisées en Bourse mais qui ne dégagent pas encore de bénéfices, en particulier dans le secteur technologique.
Le poids économique de LVMH
Avec un chiffre d’affaires de 84 milliards d’euros et un bénéfice net de 12,55 milliards en 2024, LVMH occupe une place centrale dans l’économie française. Son influence symbolique et financière fait de Bernard Arnault une voix particulièrement écoutée dans le débat public.
La question de savoir si les grandes fortunes doivent contribuer davantage à l’effort fiscal reste au cœur des discussions, dans un contexte de déficit budgétaire élevé et de tensions sociales autour du financement des services publics.
Une confrontation appelée à durer
Au-delà de l’échange virulent entre les deux protagonistes, le débat illustre la difficulté à concilier justice sociale, attractivité économique et équilibre budgétaire. La « taxe Zucman » cristallise ces enjeux.
Quoi qu’il advienne de cette proposition, la passe d’armes entre Bernard Arnault et Gabriel Zucman devrait marquer une étape importante dans la réflexion sur le rôle des ultra-riches dans le financement de l’État et la place de l’impôt dans la société française.










