Après l’assassinat d’Aboubakar Cissé dans une mosquée de la région gardoise, les musulmans du Nord se disent profondément choqués. À Lille comme ailleurs, l’heure est à la commémoration, mais aussi à l’interpellation des autorités, accusées de lenteur et d’ambiguïté dans leurs réactions.


Une émotion vive mais contenue

Le meurtre d’Aboubakar Cissé, 20 ans, survenu vendredi dernier au sein même d’un lieu de prière à Beaucaire, dans le Gard, continue de susciter une vive émotion dans tout le pays, notamment dans les Hauts-de-France. Le jeune homme, originaire de la région lyonnaise, a été tué alors qu’il se trouvait en pleine prière du vendredi, selon les premiers éléments de l’enquête.

Hier, à Lille, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville pour rendre hommage à la victime. Parmi les pancartes, les visages graves, et les prises de parole mesurées, un sentiment partagé : celui d’un malaise croissant face à ce que certains décrivent comme un climat de suspicion généralisée autour de l’islam.

« Parce que c’est une attaque ciblée, contre un musulman en prière, c’est de la haine pure, mais aussi parce qu’il y a eu un silence assourdissant qui s’en est suivi »,
souligne Sofiane Boukssakesse, responsable communication de la mosquée Ar Rahma à Cambrai.


Une attente de reconnaissance explicite

Par-delà l’indignation, de nombreuses voix demandent que les autorités qualifient clairement l’acte de meurtre comme un acte à caractère islamophobe. C’est notamment ce que réclame Makhlouf Mameche, recteur de la Grande Mosquée de Lille. Pour lui, les mots choisis par les responsables politiques ont leur importance dans un contexte où les amalgames sont fréquents et les stigmatisations rapides.

« Je dénonce le discours islamophobe de certains politiques qui représentent l’État, et qui peuvent engendrer ce genre d’attentat. Il faut cesser d’ignorer le lien entre parole et passage à l’acte »,
insiste-t-il.

La réaction tardive du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a pas échappé à plusieurs élus et responsables associatifs. Ce dernier ne s’est rendu sur les lieux du drame que deux jours après les faits, ce qui a été perçu comme une forme de désintérêt, voire de mépris, par certains participants au rassemblement lillois.


Un climat de tension dénoncé depuis des mois

Dans le Nord comme ailleurs, les responsables musulmans alertent depuis plusieurs années sur la montée d’un climat de défiance, voire d’hostilité, à leur encontre. Pour Rachid Hamoudi, président de la Ligue islamique du Nord, les signaux d’alerte se sont multipliés sans que des réponses fermes soient apportées.

« Un climat islamophobe persiste depuis quelque temps, et les responsables se taisent devant des actes haineux. Cela alimente un sentiment d’abandon »,
résume-t-il.

De récents événements dans la région renforcent ce constat. En janvier, une grenade à plâtre a été retrouvée à proximité de la mosquée de Saint-Omer, quelques mois après que cette même mosquée eut été la cible d’une profanation. En 2022, un homme avait été interpellé après avoir proféré des menaces contre la mosquée de Lille-Sud.


Des fidèles partagés entre vigilance et sérénité

Malgré ce contexte, nombre de musulmans interrogés refusent de céder à la peur. Pour Hassiba, 24 ans, lilloise présente au rassemblement, le danger existe, mais il ne doit pas dicter la vie quotidienne.

« À titre personnel, je ne suis pas inquiète, mais sur le plan international, on devrait tous s’inquiéter. Quand j’entre dans une mosquée, j’ai toujours en tête l’idée qu’il peut se passer quelque chose de grave »,
explique-t-elle.

Ce ressenti n’est pas isolé. Plusieurs fidèles évoquent une appréhension diffuse, une vigilance accrue, mais aussi une volonté de rester debout, de continuer à pratiquer leur religion sans se cacher ni céder à la peur.


Une enquête en cours et une procédure judiciaire enclenchée

Le suspect du meurtre, Oliver Hadzovic, un ressortissant français de 21 ans, s’est présenté dimanche soir à la police italienne à Pistoia, près de Florence. Il a été placé en détention en attendant son éventuelle extradition vers la France. Le parquet de Nîmes a ouvert une information judiciaire pour « meurtre avec préméditation et en raison de la race ou de la religion ».

Les autorités judiciaires françaises ont émis un mandat d’arrêt européen. Le ministre de la Justice a confirmé que les démarches étaient en cours pour organiser le transfert du suspect vers le territoire national. Le dossier a été confié à un juge d’instruction du pôle criminel de Nîmes.


Une demande de mesures concrètes

En parallèle de l’enquête judiciaire, les représentants de la communauté musulmane réclament des actes forts. Parmi les propositions émises, plusieurs appellent à une meilleure sécurisation des lieux de culte, à une application plus systématique des lois contre les discours de haine, mais aussi à une meilleure représentation des musulmans dans les instances de concertation républicaine.

Dans une déclaration commune publiée hier, plusieurs mosquées de la région ont également demandé l’organisation rapide d’un rendez-vous avec les préfets et les représentants de l’État. Objectif : mettre à plat les préoccupations sécuritaires et obtenir un soutien clair de la part des autorités publiques.

Alors que l’enquête suit son cours, la tension reste palpable. Dans les mosquées, les prières continuent, mais sur fond de vigilance. Le meurtre d’Aboubakar Cissé laisse une plaie ouverte, et une question suspendue : dans quelle société veulent vivre ceux qui, aujourd’hui, s’interrogent sur leur sécurité en entrant dans leur lieu de culte ?

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