Face à la précarité étudiante, l’initiative des « Ch’tis paniers » fait son retour sur le campus Cité scientifique. Relancée par une équipe d’étudiants bénévoles, la distribution a permis d’aider 150 étudiants en une journée. Objectif affiché : pérenniser le dispositif dès la rentrée prochaine.

Une solidarité étudiante remise sur pied
Les caisses se succèdent sous les tentes blanches dressées à l’entrée du bâtiment M1 du campus Cité scientifique. Ce jour-là, une file d’étudiants attend patiemment pour récupérer un colis de produits alimentaires et d’hygiène. L’initiative, baptisée « Ch’tis paniers », a été relancée après plusieurs mois d’interruption, sous l’impulsion d’un groupe d’étudiants bénévoles.
Composés de denrées de première nécessité, les colis distribués sont évalués à environ 20 euros chacun. On y trouve des conserves, des fruits et légumes frais, du riz, des pâtes, ainsi que des produits d’hygiène. L’action est partiellement financée par la CVEC (Contribution de Vie Étudiante et de Campus) et soutenue par l’Université de Lille.
« Nous aimerions que cette initiative devienne régulière, avec des distributions toutes les deux semaines dès septembre »,
| explique Tristan Bernier, étudiant et coordinateur de l’événement.
En une journée, 150 paniers ont été distribués. Les bénévoles ont constaté une demande soutenue et un accueil très positif de la part des bénéficiaires, renforçant leur volonté de donner à l’action un caractère durable.
Une précarité étudiante persistante
Derrière l’enthousiasme des organisateurs, la relance des « Ch’tis paniers » met en lumière une réalité moins réjouissante : la précarité étudiante reste un phénomène massif et durable. Selon une enquête de l’Observatoire de la vie étudiante publiée en 2023, près d’un tiers des étudiants déclarent avoir déjà sauté un repas pour des raisons financières.
« Nous sommes à la fois tristes et contents de l’existence de ces paniers »,
| confie Loris Philippon, président de la fédération étudiante Galilée.
« Tristes, car cela reflète une situation de besoin profond. »
Cette réalité est confirmée par de nombreux témoignages recueillis sur le terrain. Hocine, étudiant en master 1, ne bénéficie d’aucune aide publique. Étudiant étranger, il témoigne de la difficulté à joindre les deux bouts :
« Ces distributions sont très importantes pour nous. Cela me permet de tenir sur plusieurs jours. »
Même constat pour Lamia, étudiante dans la même situation :
« Cela nous aide à réduire nos frais alimentaires, et ce n’est pas rien vu toutes nos charges : logement, transports, fournitures. »
Une réponse concrète, mais des limites structurelles
Les distributions alimentaires étudiantes ne sont pas une nouveauté. Elles se sont multipliées depuis la crise sanitaire, révélant des fragilités anciennes dans le système de soutien aux étudiants. Selon les données du ministère de l’Enseignement supérieur, 38 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté en France.
Pour les associations étudiantes, ces dispositifs restent cependant des solutions d’urgence qui ne remplacent pas une réforme de fond. Mylène Schroer, vice-présidente de la FAGE (Fédération des Associations Générales Étudiantes), alerte sur la nécessité de repenser les aides structurelles :
« Il est urgent de réformer le système des bourses, qui ne couvre pas les besoins réels. Beaucoup d’étudiants restent exclus du dispositif, alors qu’ils sont en situation de grande précarité. »
Le manque de logements étudiants publics, les hausses successives des loyers, et l’inflation des produits de première nécessité aggravent encore la situation. Face à cela, les associations estiment que les pouvoirs publics doivent aller au-delà des seules aides ponctuelles.
Une organisation portée par les étudiants eux-mêmes
Le retour des « Ch’tis paniers » est avant tout le fruit de l’engagement étudiant. C’est une équipe d’une vingtaine de bénévoles qui a organisé la distribution de bout en bout : logistique, communication, approvisionnement, accueil sur place. Le réseau s’appuie également sur des partenariats avec des associations locales et des dons ponctuels.
Tristan Bernier souligne la charge de travail, mais aussi l’énergie positive autour du projet :
« C’est un effort collectif. Nous avons été très touchés par l’engagement des étudiants, y compris ceux qui ne bénéficient pas directement de l’aide. »
Des discussions sont en cours avec les services de l’Université de Lille pour sécuriser des financements supplémentaires dès la rentrée prochaine. Le souhait exprimé par les organisateurs : disposer d’un local de stockage, d’un calendrier fixe, et d’un partenariat logistique avec des acteurs associatifs pérennes.
Des perspectives à consolider
Si la distribution du jour marque une étape encourageante, l’enjeu est désormais d’inscrire les « Ch’tis paniers » dans la durée. Plusieurs pistes sont évoquées : élargir le public bénéficiaire, améliorer la qualité des produits proposés, et intégrer l’action dans une politique sociale plus vaste à l’échelle du campus.
Les étudiants porteurs du projet espèrent également sensibiliser les institutions à la situation de leurs pairs. À leurs yeux, l’initiative ne peut être qu’un complément temporaire aux politiques publiques.
« Nous faisons notre part, mais cela ne doit pas masquer les responsabilités de l’État. L’université peut faire beaucoup, mais seule, elle ne peut pas tout »,
| rappelle Loris Philippon.
Avec la rentrée universitaire en ligne de mire, l’équipe des « Ch’tis paniers » souhaite s’appuyer sur le succès de cette première distribution pour poser les bases d’un dispositif régulier. En attendant, les demandes affluent déjà pour la prochaine opération prévue d’ici quelques semaines.
Un projet local, un symptôme national
Le retour des « Ch’tis paniers » s’inscrit dans une tendance nationale. À Toulouse, Lyon, Marseille ou Paris, des initiatives similaires se multiplient. Des distributions solidaires sont organisées dans une trentaine de villes universitaires, souvent à l’initiative d’associations étudiantes ou de syndicats.
Ces actions témoignent à la fois d’une solidarité active entre étudiants et d’une précarité devenue structurelle. Elles appellent aussi une réponse politique globale à la hauteur du défi que représente la pauvreté étudiante en France.
En attendant, sur le campus Cité scientifique, la relance des « Ch’tis paniers » redonne, pour beaucoup, un peu d’air dans un quotidien marqué par la rigueur budgétaire et l’incertitude.