Une mobilisation d’internes et d’externes s’est tenue à Lille pour dénoncer le projet de loi Garot, accusé de restreindre leur liberté d’installation dans un contexte de pénurie médicale

Face à la volonté politique d’encadrer leur liberté d’installation afin de lutter contre les déserts médicaux, de jeunes praticiens alertent sur les conséquences d’une régulation qu’ils jugent injuste et inefficace.


Des slogans amers pour dénoncer une contrainte

Environ 200 jeunes médecins, internes et externes, se sont rassemblés à Lille pour faire entendre leur désaccord. Pancartes à la main, blouse blanche sur le dos, ils ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme une atteinte à leur liberté d’exercice. La cible principale de leur colère : la proposition de loi portée par le député Guillaume Garot, qui vise à réguler l’installation des médecins sur le territoire en fonction des besoins locaux.

Adoptée partiellement début avril, cette mesure prévoit notamment de limiter les nouvelles installations dans les zones dites « surdotées » pour inciter les professionnels à exercer dans des zones en pénurie. Une orientation qui suscite des interrogations chez les jeunes praticiens.

« Ce sont des déserts médicaux, mais aussi des déserts tout court. On va dire au médecin de s’installer où il n’y a pas d’école pour ses enfants, pas de travail pour sa femme ? »
— Adrien, docteur junior au CHU de Lille

L’inquiétude est d’autant plus vive que ces jeunes médecins, souvent en fin d’internat, sont déjà familiers des contraintes géographiques liées à leur formation. Le sentiment d’être poussés vers des territoires peu attractifs, sans accompagnement suffisant, domine.


Une opinion publique favorable à la régulation

Si la profession gronde, une large partie de l’opinion publique semble soutenir l’objectif du texte. En mars, un sondage Ipsos pour la Fédération Hospitalière Française montrait que 86 % des Français jugeaient acceptable d’imposer aux médecins un lieu d’exercice pendant les premières années, dans le but d’améliorer l’accès aux soins.

Cette perception d’un métier encore privilégié ne facilite pas la mobilisation des jeunes praticiens, bien conscients du manque de soutien populaire. Pour beaucoup, le problème n’est pas d’aller là où les besoins sont les plus criants, mais de le faire sous contrainte.

« On aimerait avoir cette liberté d’installation qui nous permettrait de rentrer chez nous, auprès de nos familles »
— Jean-François, médecin junior au CHU de Lille


Une liberté menacée, un statut interrogé

L’un des principaux griefs formulés par les manifestants concerne l’érosion du caractère libéral de la médecine. Pour de nombreux jeunes praticiens, la promesse d’un exercice autonome après de longues années d’étude semble s’éloigner.

« Faire 10 ans d’études sans avoir le choix à la fin, c’est rude. On a déjà dédié toute notre jeunesse à la médecine, il faut que ce soit toute notre vie ? »
— Charlène, interne au Centre Hospitalier de Lens

La proposition de loi pose également une question plus large sur le modèle de la médecine libérale en France. Alors que d’autres professions, comme l’enseignement, acceptent des affectations imposées, les médecins rappellent qu’ils ne sont pas des fonctionnaires. Le choix du lieu d’exercice fait partie intégrante de l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, selon eux.


Des effets contraires à ceux recherchés ?

Les jeunes médecins craignent surtout que cette régulation n’atteigne pas son but. Pour eux, la contrainte risque d’aggraver le malaise, voire de dissuader certains de s’installer en libéral. Plusieurs évoquent déjà l’idée de se limiter à des remplacements ou même de quitter le pays pour exercer à l’étranger.

« Cela pourrait forcer certains à ne faire que des remplacements, voire à s’installer à l’étranger. On souhaite rendre ce qu’on nous a donné, mais de notre plein gré »
— Maïa, externe au CHU de Lille

Selon eux, le manque de médecins en zone rurale s’explique autant par les conditions de vie dans ces territoires que par un manque de moyens. L’absence de transports, de structures de santé secondaires (laboratoires, cabinets de radiologie), d’écoles ou d’opportunités professionnelles pour les conjoints est souvent citée.


Une pénurie structurelle plus qu’une mauvaise répartition ?

La colère des internes et externes repose aussi sur un constat chiffré : selon plusieurs études, la France ne souffre pas tant d’un excès de concentration des médecins dans certaines zones que d’un nombre globalement insuffisant de praticiens. Avec une population de plus de 68 millions d’habitants, le pays compte aujourd’hui autant de médecins généralistes qu’au début des années 1970.

« On fait comme avec le fond d’un pot de confiture : on étale, mais il y a des morceaux de tartine où il n’y en aura pas beaucoup »
— Charlène, interne au CH de Lens

Plutôt que de répartir autrement une ressource trop rare, plusieurs jeunes médecins plaident pour une réforme plus large : augmentation des capacités de formation, accompagnement à l’installation, incitations financières, soutien logistique dans les zones rurales.


Une fracture générationnelle au sein de la profession

Enfin, cette mobilisation met en lumière une fracture croissante entre les jeunes médecins et leurs aînés. Là où certains installés depuis plusieurs décennies acceptent une certaine régulation, les nouvelles générations refusent de renoncer à ce qu’elles estiment être une composante essentielle de leur avenir professionnel.

Le projet de loi Garot, qui doit encore être examiné en deuxième lecture, continue donc d’alimenter un débat sensible. Entre nécessité de résorber les inégalités territoriales et respect des aspirations individuelles, le gouvernement devra arbitrer un équilibre complexe.

La question reste entière : comment concilier une demande croissante de soins avec une profession en mutation, attachée à son autonomie et confrontée à de nouveaux défis sociaux et géographiques ?

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