Un haut fonctionnaire israélien, arrêté dans le Nevada pour avoir tenté de solliciter un rapport sexuel avec une mineure, a pu quitter le territoire américain et regagner Israël. L’affaire soulève des interrogations sur l’implication des autorités fédérales américaines et sur le traitement judiciaire réservé à cet homme occupant un poste stratégique au sein de la cybersécurité israélienne.

Arrestation dans une opération conjointe
Le 15 août, la police métropolitaine de Las Vegas annonçait l’arrestation de huit hommes suspectés de vouloir rencontrer des mineurs à des fins sexuelles. L’opération impliquait plusieurs agences locales, fédérales et l’appui du FBI ainsi que du Department of Homeland Security.
Parmi les interpellés figurait Tom Artiom Alexandrovich, 38 ans, directeur exécutif de la division défense de l’Agence nationale israélienne de cybersécurité. Selon les documents judiciaires, il aurait convenu d’un rendez-vous avec une personne se faisant passer pour une adolescente de 15 ans. Il se serait rendu sur le lieu de rencontre en utilisant un service de transport privé, muni d’un préservatif, avant d’être arrêté par des agents.
Le procureur de justice de paix Stephen L. George a fixé sa caution à 10 000 dollars. Alexandrovich a été libéré rapidement, avant même qu’une plainte formelle ne soit déposée par le parquet du comté.
Refus d’une poursuite fédérale
Si les poursuites contre Alexandrovich relèvent aujourd’hui de la compétence du district de Clark County, la justice fédérale aurait pu s’en saisir. Pourtant, Sigal Chattah, procureure fédérale par intérim dans le Nevada, a confirmé que le dossier serait traité uniquement au niveau local.
« Cette opération visait des prédateurs sexuels qui ciblent les membres les plus vulnérables de nos communautés », a déclaré Sigal Chattah. « Le bureau du procureur du comté de Clark assure la suite de la procédure. »
Ce choix interroge. Les affaires de criminalité sexuelle impliquant plusieurs agences fédérales aboutissent fréquemment à des inculpations devant les juridictions fédérales, plus sévères. Une telle décision accroît le risque que l’accusé, déjà rentré en Israël, échappe à la justice américaine.
Un risque de fuite sous-estimé
En matière de caution, la loi du Nevada impose aux juges d’évaluer le risque de fuite. Or, Alexandrovich, ressortissant étranger de passage aux États-Unis, remplissait plusieurs critères de dangerosité : absence d’attaches locales, gravité des faits reprochés et peine potentielle allant jusqu’à dix ans de prison.
Malgré cela, il a été libéré sans condition restrictive supplémentaire, telles que la remise de son passeport ou un suivi électronique. Quelques jours après, il quittait le territoire américain et regagnait Israël, où il a été placé en congé par son administration.
Selon un rapport cité par la chaîne Fox 5 Vegas, l’intéressé aurait lui-même évoqué son intention de prendre un vol international vers Israël au moment de son arrestation.
Silence médiatique et démentis officiels
Le Département d’État américain a démenti toute intervention en faveur d’Alexandrovich. Dans un communiqué publié sur son compte officiel, il a affirmé que l’homme n’avait pas revendiqué d’immunité diplomatique et que sa remise en liberté résultait uniquement d’une décision judiciaire.
Israël, de son côté, a également nié avoir réglé sa caution ou s’être impliqué dans sa libération. Les autorités israéliennes ont toutefois reconnu, après plusieurs démentis initiaux, que l’arrestation avait bien eu lieu.
Dans le même temps, les grands quotidiens américains sont restés silencieux sur le dossier. Ni The New York Times ni The Washington Post n’avaient, trois jours après la révélation des faits, publié d’article consacré à l’affaire.
Le précédent des fugitifs sexuels en Israël
L’absence d’extradition est un point central. Israël est régulièrement décrit par des ONG spécialisées comme un refuge pour certains criminels sexuels juifs accusés à l’étranger. Plusieurs affaires médiatisées ont montré que des individus poursuivis pour pédophilie avaient trouvé en Israël un moyen d’échapper à la justice internationale.
Alexandrovich, en quittant les États-Unis, rejoint cette zone d’ombre judiciaire. Sans coopération bilatérale renforcée, ses chances d’être renvoyé devant un tribunal américain apparaissent limitées.
Réactions politiques et polémiques
L’affaire survient dans un climat de défiance accru concernant les relations américano-israéliennes. Des voix critiques, notamment au Congrès, ont dénoncé un traitement de faveur.
« Les pédophiles ne devraient pas être libérés, ils devraient faire face à la justice », a réagi la représentante républicaine Marjorie Taylor Greene sur le réseau X.
Son collègue Thomas Massie a également demandé davantage de transparence, évoquant un parallèle avec l’affaire Epstein.
Ces prises de position mettent en lumière un malaise politique : alors que Washington a récemment restreint l’octroi de visas pour des enfants palestiniens nécessitant des soins médicaux, un haut fonctionnaire israélien soupçonné d’un crime sexuel a pu repartir librement.
Conséquences diplomatiques possibles
Au-delà de l’aspect judiciaire, l’affaire touche à la coopération stratégique entre Washington et Tel-Aviv. Alexandrovich occupait un poste clé dans la mise en place de la défense cybernétique israélienne, surnommée « Dôme de fer numérique ». Ses profils professionnels en ligne ont été supprimés dans la foulée.
Un comité interne aurait été constitué à Jérusalem pour limiter les retombées diplomatiques de cette affaire sensible.
Si elle venait à prendre de l’ampleur, elle pourrait accentuer la fragilité des relations entre les deux pays dans un contexte déjà marqué par les débats sur la guerre à Gaza et les accusations internationales pesant sur Israël.
Une affaire loin d’être close
Le prochain rendez-vous judiciaire d’Alexandrovich est fixé au 27 août devant la justice du Nevada. Toutefois, sa présence est très incertaine. En l’absence de mécanisme contraignant d’extradition et compte tenu de sa position au sein de l’appareil sécuritaire israélien, il est probable que l’affaire reste sans suite concrète aux États-Unis.
La libération rapide d’un haut responsable étranger inculpé pour crime sexuel grave interroge sur l’égalité de traitement devant la justice américaine et sur le poids des considérations diplomatiques. Pour de nombreux observateurs, elle illustre une tension permanente entre impératifs judiciaires et équilibres géopolitiques.