Alors que les rumeurs de fermetures massives dans l’enseigne de sport se sont multipliées ces derniers jours, la plupart des sites à l’origine de ces annonces infondées ont été désindexés ou modifiés. Les noms de domaine sont désormais sous enquête. Decathlon reste discret sur d’éventuelles poursuites judiciaires.

Une fausse information virale
Tout a commencé par la publication d’un article affirmant la fermeture imminente de 27 magasins Decathlon en France, à compter du 5 mai. L’annonce, largement partagée sur les réseaux sociaux, provenait d’un site nommé « Mididélices ». Son contenu, présenté comme une information factuelle, a rapidement attiré l’attention, générant un nombre important de clics.
« Decathlon va fermer définitivement 27 magasins dès le 5 mai », affirmait le site dans son article. La publication, rédigée de manière à imiter le style des médias régionaux, a semé le doute parmi les clients de l’enseigne. Pourtant, aucun élément vérifiable ne venait étayer ces affirmations.
Réaction rapide de l’enseigne
Face à la propagation de cette fausse nouvelle, Decathlon a réagi dès le 22 avril par un démenti formel, qualifiant les informations relayées de « totalement erronées ». L’enseigne a précisé qu’aucune fermeture de cette ampleur n’était prévue et qu’aucun plan similaire n’était à l’étude.
« Nous avons entrepris les actions nécessaires pour faire cesser la diffusion des informations erronées », a fait savoir la direction de Decathlon.
En coulisses, des démarches ont été entamées pour alerter les plateformes concernées et pour demander la suppression de ces contenus mensongers.
Des sites artificiels et anonymes
L’enquête menée par plusieurs organes de presse a permis d’identifier au moins quatre sites ayant diffusé cette fausse information : « Mididélices », « Danahair », « Dabba-consignes » et « Laplasturgie ». Tous ont en commun une apparence de site d’actualités, un contenu automatisé, et l’absence de mentions légales claires.
D’après l’AFNIC (Association française pour le nommage Internet en coopération), ces sites sont aujourd’hui placés sous procédure de vérification. Il s’agit d’une mesure courante lorsqu’un nom de domaine suscite des doutes sur l’identité ou la légitimité de son titulaire.
« Les noms de domaine font actuellement l’objet d’une procédure de justification, c’est-à-dire d’une vérification des données du titulaire. Pendant cette période, ils sont gelés : aucune opération administrative n’est possible », indique l’AFNIC.
Des plateformes conçues pour générer du clic
Selon plusieurs spécialistes du numérique, ces sites ont vraisemblablement été conçus à bas coût à l’aide de technologies d’intelligence artificielle. L’objectif serait de produire du contenu sensationnaliste pour attirer des internautes et générer des revenus publicitaires.
« On observe une multiplication de ce type de plateformes. Elles exploitent des thèmes à fort potentiel émotionnel – fermetures de magasins, aides sociales, annonces choc – pour augmenter leur visibilité et attirer des annonceurs », analyse un expert en cybersécurité contacté dans le cadre de l’enquête.
D’autres enseignes également visées
Decathlon n’est pas la seule entreprise concernée par ce phénomène. Des rumeurs similaires ont récemment visé l’enseigne de déstockage Noz, également victime de fausses annonces de fermetures de magasins. Les contenus étaient rédigés sur le même modèle, avec un ton alarmiste et une liste de villes prétendument concernées.
« Ces procédés s’appuient sur des techniques bien rodées de référencement et de captation d’audience. Ils relèvent de ce qu’on appelle le clickbait automatisé », poursuit l’expert.
Une traçabilité difficile
L’identité des auteurs de ces sites demeure inconnue à ce jour. Les noms de domaine ont été enregistrés via des services permettant de masquer les données du propriétaire. Aucun contact n’a pu être établi malgré les formulaires de signalement disponibles sur le site de l’AFNIC.
La difficulté d’attribuer clairement la responsabilité de ces contenus limite la possibilité d’engager des poursuites judiciaires. D’autant plus que les hébergements de ces sites sont souvent localisés à l’étranger, dans des juridictions peu coopératives.
Une vigilance accrue mais des moyens limités
Pour les grandes enseignes, la lutte contre ce type de désinformation devient un enjeu de plus en plus sensible. Si Decathlon n’a pas indiqué avoir déposé plainte à ce stade, l’affaire a mis en lumière la vulnérabilité des entreprises face aux contenus générés par intelligence artificielle.
« L’information doit désormais être systématiquement vérifiée à la source. Les fausses nouvelles, même grossières, peuvent avoir des conséquences concrètes sur l’image des entreprises », observe un responsable de la communication de l’enseigne, sous couvert d’anonymat.
En l’absence de régulation spécifique, ce type de contenu est difficile à prévenir. Les plateformes d’hébergement, comme les régies publicitaires, sont régulièrement alertées, mais leur réaction reste variable.
Un défi croissant pour l’information en ligne
L’affaire illustre les nouveaux défis posés par la diffusion automatisée de fausses informations. Si les tentatives de manipulation via des contenus fabriqués ne sont pas nouvelles, l’usage d’outils d’intelligence artificielle générative marque une accélération du phénomène.
Le développement rapide de modèles capables d’imiter le style journalistique ou de rédiger des textes crédibles à grande échelle constitue une menace pour la qualité de l’information publique. Dans ce contexte, la vigilance des lecteurs, le rôle des médias professionnels, et l’action des autorités de régulation apparaissent plus que jamais essentiels.
La suppression des contenus mensongers sur les sites ciblés constitue une première étape, mais les experts s’accordent à dire que d’autres initiatives seront nécessaires pour contrer efficacement ces dérives.