Alors que 600 suppressions de postes sont annoncées en France, dont plus de la moitié dans les Hauts-de-France, la représentation nationale s’est emparée du dossier. Le maintien des investissements dans la décarbonation est désormais présenté comme une condition essentielle à la pérennité des sites, mais de nombreuses incertitudes demeurent.


Des annonces brutales qui ravivent les tensions sociales et politiques

Le climat était tendu, mardi, à l’Assemblée nationale, lors de l’évocation de l’avenir d’ArcelorMittal. En cause, l’annonce par le géant de la sidérurgie de la suppression de 600 emplois en France, dont 320 dans les sites industriels de Dunkerque et Mardyck (Nord), deux piliers historiques de l’industrie lourde dans la région.

Julien Gokel, député du Nord, a interpellé le gouvernement sur cette décision, qu’il a qualifiée de « choc pour le territoire ». Il a appelé à une réaction rapide de l’exécutif, invoquant la nécessité d’obtenir « des garanties claires et fermes » de la part de l’industriel.

« Sans ces garanties, il faudra envisager que l’État prenne toutes ses responsabilités. Il en va de la souveraineté industrielle du pays », a-t-il déclaré devant les députés.

Le ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie, Marc Ferracci, a tenté de rassurer, rappelant qu’il avait rencontré dans la matinée les dirigeants français et européens du groupe ArcelorMittal.


Une transition écologique sous condition

Selon le ministre, le maintien des investissements promis par ArcelorMittal dans la décarbonation de ses sites français — dont Dunkerque est la pièce maîtresse — dépendrait d’un ensemble de « conditions structurelles ».

« Les dirigeants d’ArcelorMittal ont rappelé qu’un certain nombre de conditions étaient nécessaires au maintien des investissements dans la décarbonation. Investissements essentiels à la pérennisation des emplois et de l’ensemble des sites, notamment celui de Dunkerque », a précisé Marc Ferracci.

Derrière ces propos, se dessine une pression exercée sur les pouvoirs publics, tant au niveau national qu’européen. Le groupe sidérurgique, engagé dans une vaste transformation de ses outils de production pour répondre aux exigences climatiques, demande des soutiens plus lisibles, notamment via des aides publiques, une régulation accrue des importations et une clarification des règles liées au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).


Une industrie européenne sous tension

La sidérurgie européenne traverse une phase de turbulences. Confrontée à une concurrence accrue des aciers importés, notamment en provenance d’Asie, et à des coûts de production élevés, elle peine à maintenir sa compétitivité. La transition écologique, pourtant indispensable, accroît les pressions économiques sur les groupes implantés en Europe.

Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, avait déjà alerté en début d’année sur la nécessité de protéger l’industrie lourde européenne. Marc Ferracci a d’ailleurs annoncé qu’il rencontrerait dans les prochains jours le commissaire européen Stéphane Séjourné pour évoquer « un renforcement des quotas d’importation » ainsi que « des ajustements du mécanisme de taxation carbone aux frontières ».

« Nous devons donner à nos industriels qui s’engagent dans la décarbonation, la capacité à lutter à armes égales », a-t-il insisté.


Inquiétudes locales à Dunkerque et Mardyck

Sur le terrain, à Dunkerque et Mardyck, l’annonce du plan social a provoqué une onde de choc. Les syndicats dénoncent une logique purement financière, malgré les engagements pris récemment par le groupe en matière de décarbonation. En 2022, ArcelorMittal avait en effet annoncé un investissement de 1,7 milliard d’euros dans ses installations françaises, avec la promesse de créer une filière bas-carbone.

Selon la CGT Métallurgie, la réduction des effectifs risque de fragiliser l’ensemble de la chaîne industrielle locale.

« On nous parle de transition, mais sans personnel formé et sans garanties sur la suite, ce sont nos emplois qui disparaissent et les promesses qui s’envolent », s’indigne un représentant syndical du site de Mardyck.

La région Hauts-de-France, historiquement ancrée dans l’industrie, s’était jusqu’à présent appuyée sur le dynamisme du site de Dunkerque, l’un des plus importants d’Europe, pour accompagner sa mutation écologique. L’usine, qui emploie près de 3 000 personnes, joue un rôle clé dans l’économie locale.


Le rôle attendu de l’État et les prochaines échéances

Face à l’ampleur des suppressions annoncées, l’exécutif est désormais attendu sur plusieurs fronts. La mise en œuvre rapide du « plan acier » promis par le gouvernement est demandée avec insistance. Ce plan, annoncé en 2023, vise à accompagner les industriels dans la modernisation de leurs outils de production et à soutenir l’innovation dans la sidérurgie.

Julien Gokel appelle à ne pas « réitérer les erreurs du passé » et à conditionner tout soutien public à des engagements fermes sur l’emploi et l’ancrage territorial.

Dans l’immédiat, une série de réunions techniques est prévue entre les représentants du ministère, la direction d’ArcelorMittal et les syndicats. Un comité social et économique extraordinaire est également annoncé dans les jours à venir sur les sites concernés.


Une situation emblématique d’un choix de société

Au-delà du cas ArcelorMittal, c’est l’ensemble du modèle industriel français et européen qui se trouve interrogé. Entre exigences climatiques, réindustrialisation et préservation de l’emploi, l’équation se complexifie.

L’évolution du dossier sera suivie de près dans les prochaines semaines, tant par les élus que par les partenaires sociaux. La sidérurgie française, souvent considérée comme un baromètre de l’état de l’industrie, pourrait bien être à un tournant décisif.

« Il s’agit de savoir si l’on veut encore produire de l’acier en Europe ou si l’on se résigne à le faire venir de l’autre bout du monde, au prix d’une dépendance accrue et d’un bilan carbone désastreux », résume un expert du secteur.

Le gouvernement est désormais sommé d’apporter des réponses concrètes et rapides. Quant aux salariés de Dunkerque et Mardyck, ils attendent, eux, des engagements solides, au-delà des discours.

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