Alors que l’Assemblée nationale débat de la suppression ou de l’assouplissement des Zones à faibles émissions (ZFE), la Métropole européenne de Lille (MEL) n’a pas attendu ce revirement politique pour désamorcer elle-même sa propre ZFE. En recul constant depuis 2022, la version actuellement en vigueur dans les 95 communes métropolitaines s’apparente davantage à un affichage réglementaire qu’à une réelle mesure de transition écologique. Décryptage d’un projet vidé de sa substance.


Une obligation nationale appliquée a minima

La loi Climat et Résilience de 2021 a rendu les ZFE obligatoires dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants à partir du 1er janvier 2025. Objectif : restreindre l’accès aux véhicules les plus polluants afin de limiter les émissions de dioxyde d’azote (NO₂) et de particules fines, notamment en zone urbaine dense.

Sur le papier, la MEL s’est conformée à cette obligation. Depuis le 1er janvier, une ZFE couvre bien l’ensemble de son territoire. Mais dans les faits, seules les voitures dites « non classées » – c’est-à-dire mises en circulation avant 1997 et ne pouvant recevoir aucune vignette Crit’Air – y sont interdites. Cela représente environ 1,2 % du parc automobile local, soit environ 6 300 véhicules sur près de 550 000.

À Paris, Lyon ou Montpellier, les ZFE interdisent aujourd’hui la circulation de plus de 20 % des véhicules (Crit’Air 3, 4 et 5), avec un calendrier progressif de durcissement. À Lille, ce seuil a été jugé politiquement intenable.


Un virage assumé face à une contestation massive

En 2022, la MEL envisageait une version plus ambitieuse de sa ZFE. L’idée était d’interdire progressivement les véhicules Crit’Air 4 et 5 (diesel d’avant 2006, essence d’avant 1997), soit environ 33 000 véhicules. Mais la consultation citoyenne numérique de l’été 2024 a mis en lumière une opposition massive, portée autant par les citoyens que par des élus locaux, y compris parmi ceux siégeant à l’exécutif métropolitain.

Les griefs les plus fréquents :

  • Un impact social brutal : les ménages modestes, plus souvent propriétaires de véhicules anciens, se seraient retrouvés pénalisés sans alternative crédible.
  • Une mise en œuvre précipitée : à peine six mois entre la validation finale et l’entrée en vigueur.
  • Un périmètre excessif : la ZFE couvrait aussi bien des zones denses que rurales ou périurbaines.
  • Un réseau de transports en commun insuffisant, surtout hors de Lille intra-muros.
  • Une incohérence perçue dans les critères Crit’Air, basés sur l’âge du véhicule plutôt que sur des tests de pollution réels.

Résultat : recul stratégique de la MEL à l’automne 2024. La ZFE est réduite au strict minimum légal. Et à ce jour, les dérogations sont tellement nombreuses qu’il est presque impossible de verbaliser un contrevenant sans risquer une contestation valide : commerçants ambulants, petits rouleurs (moins de 8 000 km/an), cartes de transport, véhicules de collection ou de soins à domicile… La liste est longue.


Un débat désormais national

Dans ce contexte de désengagement local, le débat prend une tournure nationale. Les députés LR et RN ont adopté en commission des amendements visant à supprimer purement et simplement les ZFE obligatoires. Si le gouvernement défend encore le principe des zones de restriction, il concède désormais qu’elles doivent être assouplies et limitées aux agglomérations dont l’air dépasse encore les normes européennes, ce qui n’est plus le cas de Lille depuis 2023.

La MEL anticipe donc déjà ce virage national. Elle conserve symboliquement la ZFE, mais sans véritable contrainte, ni perspective d’élargissement. Le seul outil restant est la vignette Crit’Air obligatoire, exigée pour circuler dans l’agglomération, sous peine d’une amende allant de 68 à 135 euros. Mais là encore, faute de contrôle automatisé ou de verbalisation active, l’effet reste très théorique.


Une transition écologique paralysée par l’impopularité

L’exemple lillois illustre un dilemme majeur : comment mettre en œuvre une politique écologique structurelle sans soutien populaire et sans compensations sociales crédibles ? En l’absence de mesures d’accompagnement (prime à la conversion, développement massif des transports, zones de covoiturage, parkings relais…), les ZFE apparaissent comme une contrainte technocratique.

Le maire de Lille, Arnaud Deslandes, ne l’ignore pas. Il a lui-même reconnu que « la transition écologique ne peut pas se faire contre les habitants ». Une phrase révélatrice : la MEL a préféré la pédagogie du renoncement à l’affrontement frontal. Mais elle laisse dans son sillage une mesure fantôme, vidée de son sens.


En résumé

  • La ZFE de Lille existe, mais concerne moins de 2 % du parc roulant.
  • Les Crit’Air 4 et 5 restent autorisés.
  • La concertation publique de 2024 a enterré toute ambition restrictive.
  • Le débat national pourrait accélérer la disparition des ZFE obligatoires.
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