La prévenue, déjà connue de la justice, a été jugée pour deux épisodes de violence survenus au domicile familial. Les faits, commis devant les enfants, ont bouleversé l’équilibre familial.
Le tribunal correctionnel de Lille a rendu son verdict jeudi dernier dans une affaire peu commune : une femme, mère de famille, comparaissait pour violences conjugales envers son époux. Un dossier d’autant plus marquant qu’il s’est déroulé sous les yeux de leurs deux enfants, aujourd’hui profondément marqués par la scène.

Un climat conjugal tendu et un contexte de précarité personnelle
À la barre, N. D., 42 ans, Villeneuvoise, professeure de musique, n’a pas contesté la plupart des faits. Éloignée de son domicile depuis janvier, elle décrit un « cadre familial explosé », entre tensions conjugales, problèmes financiers et dégradation de sa santé. Elle indique avoir perdu une partie de ses capacités auditives, rendant son activité professionnelle plus difficile. Cette fragilité aurait contribué, selon elle, à une montée progressive de la tension au sein du couple.
Le président du tribunal a évoqué un climat lourd de reproches et de silences, ponctué d’insultes et de violences verbales réciproques. Le jour des faits, l’accusée avait consommé de l’alcool au petit matin. Son époux venait de lui annoncer son intention de divorcer. S’ensuit une altercation brutale, durant laquelle N. D. assène un coup de tête à son mari, avant de lui porter plusieurs coups de poing au visage.
« Rien que de regarder, ça faisait mal »,
a confié l’un des enfants lors de son audition.
Des violences devant les enfants et une récidive aggravante
Les deux enfants, âgés de 11 et 13 ans, ont été directement témoins de la scène. Selon leurs dépositions, la violence de leur mère leur a causé un profond trouble émotionnel. L’un a déclaré « avoir peur parfois » de sa mère, une affirmation relevée par le président du tribunal pour souligner la gravité de la situation.
L’altercation ne s’est pas arrêtée à l’intérieur du domicile. Le père, le nez en sang, tente de fuir dans la rue. N. D. le suit, dénudée partiellement selon des témoins, et l’agrippe par sa sacoche. Une voisine intervient. L’homme parvient finalement à se réfugier dans sa voiture et appelle la police.
Ce n’était pas le premier signal d’alerte : lors d’un précédent différend, survenu pendant les vacances estivales, il avait déjà sollicité les forces de l’ordre. À cette occasion, il avait dénoncé une tentative d’étranglement. La prévenue avait de son côté porté plainte, évoquant un cas de légitime défense. Cette plainte avait été classée sans suite.
Un passé judiciaire chargé et une absence de remise en question pointée
Déjà condamnée pour des faits similaires l’année précédente, N. D. comparaissait donc en récidive. Lors de l’audience, elle a reconnu les gestes de janvier, minimisant toutefois ceux du mois d’août.
« En effet, en janvier, je lui ai mis un coup de tête, mais il avait lancé un enregistrement »,
a-t-elle expliqué au tribunal, justifiant son geste par une volonté de ne « pas perdre la face devant les enfants ».
Mais pour le ministère public comme pour la partie civile, la prévenue n’a pas montré de réelle prise de conscience. L’avocat du père, Me Guillaume Crevillier, a insisté sur ce point :
« Il n’y a aucune remise en question de la part de madame. Elle semble justifier l’injustifiable. »
Le parquet a requis une peine de six mois de sursis probatoire. Une sanction proportionnée selon lui à la gravité des faits, mais qui tient aussi compte de la situation sociale et familiale de la prévenue.
Une peine modérée mais assortie de plusieurs interdictions
Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet. N. D. a été condamnée à six mois de prison avec sursis probatoire, avec interdiction de contact avec la victime et de paraître au domicile familial pendant deux ans. L’autorité parentale ne lui a toutefois pas été retirée.
« Elle a conscience que c’est grave,
mais elle évolue dans un climat conjugal très conflictuel où les responsabilités sont partagées »,
a plaidé Me Louise Dargere, avocate de la défense.
Si cette décision permet d’éviter une incarcération immédiate, elle marque un tournant dans la gestion du conflit familial. Le tribunal a rappelé que les violences conjugales, qu’elles soient commises par un homme ou une femme, demeurent inacceptables, surtout lorsqu’elles impliquent des enfants témoins.
Un phénomène plus rare mais pas inexistant
Les violences conjugales commises par des femmes restent minoritaires mais bien réelles. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, environ 14 % des auteurs de violences au sein du couple en 2023 étaient des femmes. Ces cas donnent lieu à des jugements qui, tout en tenant compte des contextes particuliers, affirment le principe de tolérance zéro envers la violence domestique, quel qu’en soit l’auteur.
Dans cette affaire, les témoignages des enfants ont été déterminants. Le tribunal a insisté sur la nécessité de préserver leur bien-être psychologique, dans un cadre éducatif apaisé et sécurisé. La suite dépendra désormais du respect des interdictions imposées à la mère, et d’un accompagnement éventuel de la famille par les services sociaux.
Encadré pratique : où signaler les violences ?
La plateforme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d’accompagnement des victimes est ouverte à toutes les victimes de violences sexuelles et sexistes, hommes comme femmes. Accessible 24h/24 et 7 jours sur 7, elle permet d’échanger anonymement avec un policier ou un gendarme via trois tchats distincts selon la nature des faits : violences sexuelles, violences conjugales, discriminations ou actes de haine.
service-public.fr/cmi