Les contours de la « Coalition des volontaires » restent flous, mais une structure de commandement a déjà vu le jour à Paris. Les Européens avancent prudemment, tandis que Washington entretient le flou sur son implication réelle.

Des garanties encore mal définies
Depuis plusieurs mois, l’expression « garanties de sécurité » est au cœur des discours occidentaux à propos de l’Ukraine. Elle est reprise aussi bien par Volodymyr Zelensky que par Donald Trump ou par les responsables européens. Pourtant, sa définition demeure incertaine. Aucun des dirigeants concernés n’a jusqu’ici précisé les modalités concrètes de ces garanties, alimentant un certain « brouillard stratégique ».
Le géopolitologue Olivier Kempf résume ce climat de flottement :
« Les Européens sont satisfaits qu’on parle vaguement d’un sommet à trois et qu’on évoque de vagues garanties de sécurité. Bref, qu’on ait augmenté le brouillard au moment où l’on craignait qu’il se dissipe. »
La naissance d’une coalition parallèle à l’OTAN
Créée il y a six mois, la « Coalition des volontaires » rassemble aujourd’hui 32 pays. Son objectif affiché : soutenir l’Ukraine tout en contournant la confrontation directe avec l’OTAN, afin de ne pas donner à Vladimir Poutine le prétexte d’une escalade.
Contrairement à ce que certains avaient pu imaginer, il ne s’agit pas de mettre en place une zone tampon le long de la ligne de front, qui s’étend sur près de 1 000 kilomètres. Emmanuel Macron a insisté sur une autre dimension :
« L’idée n’est pas d’armer une frontière, mais de signer une solidarité d’un point de vue stratégique apte à dissuader la Russie. »
Cette approche exclut d’emblée un mandat de l’ONU sous chapitre VII, inenvisageable tant que la Russie siège au Conseil de sécurité.
Un quartier général installé à Paris
Lors d’une réunion à Rome le 10 juillet, les membres de la coalition ont acté la création d’une Force multinationale pour l’Ukraine. Son quartier général est provisoirement installé à Paris, probablement au Mont Valérien, haut lieu des états-majors européens.
La structure de commandement et de conduite (C2) rassemble environ 200 planificateurs militaires. Elle doit, à terme, se déplacer vers l’Ukraine – à Kiev ou à Lviv – pour diriger les opérations sur place si un cessez-le-feu ou un accord de paix venait à être signé.
Le projet évoque un déploiement de 50 000 hommes, mais le président ukrainien en réclame 200 000. Pour assurer une rotation régulière des troupes – quatre à six mois sur le terrain avant relève – il faudrait mobiliser près de 150 000 soldats au total, répartis entre missions actives, préparation et repos.
Des volontés politiques contrastées
La question du « qui fera quoi » reste entière. La France et le Royaume-Uni ont affiché leur volonté de piloter la force multinationale. La Finlande et les pays baltes se disent prêts à s’engager, tout comme l’Espagne et le Portugal. En revanche, plusieurs partenaires expriment de fortes réserves : l’Allemagne, l’Italie ou encore la Pologne apparaissent réticentes à s’impliquer davantage.
Au-delà du volume des troupes, se pose la question des moyens spécialisés. Qui assurera une éventuelle zone d’exclusion aérienne ? Qui garantira une présence navale en mer Noire ? Quels experts prendront en charge la logistique, la formation des militaires ukrainiens ou encore le déminage des zones libérées ?
Washington entretient le flou
La position des États-Unis reste centrale et en même temps ambiguë. Donald Trump, désormais incontournable dans les négociations, cultive une stratégie d’imprécision. Il affirme vouloir préserver le rôle traditionnel d’arbitre des États-Unis, tout en réduisant au maximum le coût militaire et financier pour Washington.
Le général en retraite Jean-Claude Allard, chercheur à l’Iris, observe :
« Le président américain veut tenir le rôle traditionnel d’arbitre du monde mais à moindre coût militaire et financier. »
Cette posture entretient une incertitude qui complique la mobilisation des Européens et retarde la mise en place concrète des dispositifs.
Une épreuve diplomatique à venir
La génération de force multinationale constituera une épreuve diplomatique de grande ampleur. Elle mettra à l’épreuve la solidarité entre alliés européens et leur capacité à concrétiser un engagement qui dépasse les simples déclarations de soutien.
Les prochaines semaines devraient permettre de préciser les contours de cette force et d’évaluer l’implication réelle de chacun. Reste à savoir si l’unité affichée sur la scène diplomatique résistera à l’épreuve de la négociation et du terrain.