Le dernier TER entre Lille et Amiens, prévu pour un trajet de moins de deux heures, s’est transformé en une épreuve de plus de cinq heures pour ses passagers, victimes des procédures de sécurité liées à un bagage abandonné.

Ce samedi 19 avril, à bord du dernier TER reliant Lille à Amiens, une quarantaine de passagers pensaient vivre un trajet habituel d’environ 1 h 50. Parti à 21 h 05 de Lille-Flandres, le train s’est finalement arrêté de manière prolongée en gare d’Achiet, dans le Pas-de-Calais, à la suite de la découverte d’un bagage abandonné à bord.
Selon la procédure en vigueur, le chef de bord a immédiatement signalé la présence d’un sac isolé, et les recherches pour retrouver son propriétaire sont restées vaines. Dès lors, le protocole « bagage délaissé » a été enclenché, entraînant l’intervention des forces de l’ordre et la mobilisation d’une équipe de démineurs.
« Au moment de l’arrêt en gare d’Achiet, le chef de bord constate la présence d’un bagage isolé et non étiqueté. La recherche du propriétaire du bagage n’aboutissant pas, la procédure bagage délaissé est enclenchée », a précisé la SNCF.
Durant ce laps de temps, les voyageurs ont été invités à quitter le train et à rejoindre un gymnase municipal, mis à disposition par la commune d’Achiet-le-Grand pour leur permettre d’attendre dans des conditions de sécurité adéquates.
Manque d’informations et conditions d’attente difficiles
Sur place, les passagers déplorent un manque d’informations claires et des conditions d’attente peu confortables. En l’absence d’électricité à bord du TER, de nombreux voyageurs se sont retrouvés avec des téléphones déchargés, rendant toute communication difficile.
« Nous n’avions aucune information claire, pas d’eau et pour beaucoup, pas de portable puisqu’il n’y avait pas d’électricité dans le train pour recharger les batteries », témoigne Lylia Brahimi, l’une des passagères du train.
À l’issue de plusieurs heures d’attente, la SNCF a affrété des taxis pour acheminer les voyageurs de la gare d’Achiet jusqu’à la gare d’Amiens. Toutefois, une fois arrivés à destination, nombre d’entre eux ont dû terminer leur trajet par leurs propres moyens, certains marchant de longues minutes en pleine nuit pour rejoindre leur domicile.
Une prise en charge critiquée
Les modalités de prise en charge ont suscité une certaine incompréhension. Plusieurs passagers s’étonnent que l’assistance se soit arrêtée à la gare d’arrivée, sans prolongation jusqu’aux domiciles.
« J’habite à quinze minutes de là, j’ai marché avec une fille qui avait vraiment peur de marcher toute seule en pleine nuit dans la ville. Je trouve que la SNCF aurait pu faire preuve d’un peu plus d’humanité », regrette Lylia Brahimi.
Interrogée, la direction régionale de SNCF Voyageurs rappelle que la prise en charge est encadrée par des contrats précis passés avec les compagnies de taxi.
« La prise en charge est effectivement assurée de gare à gare, comme le prévoient aussi les conditions des contrats avec les sociétés de taxi », précise la SNCF, tout en soulignant que « selon certaines situations et sur demande, la prise en charge peut être assurée de manière plus personnalisée comme pour des personnes fragiles ou à mobilité réduite ».
Les bagages abandonnés, un problème croissant
Ce type d’incident, qui peut paraître isolé, s’inscrit en réalité dans une problématique plus large. Les bagages oubliés représentent un véritable casse-tête pour les opérateurs ferroviaires, en particulier dans les grandes régions comme les Hauts-de-France.
Depuis le début de l’année 2025, la SNCF fait état de 221 TER retardés, 80 TER supprimés et 6 399 minutes de retard cumulées à cause de la gestion de bagages abandonnés sur le réseau TER Hauts-de-France.
« Les bagages délaissés pèsent lourd sur notre production », souligne la SNCF.
Face à la multiplication des incidents, la compagnie ferroviaire rappelle aux voyageurs l’importance de ne jamais laisser leurs affaires sans surveillance et de toujours étiqueter clairement leurs bagages pour éviter des interventions lourdes de conséquences.
Vers un renforcement des mesures de sensibilisation
Dans ce contexte, la SNCF envisage de renforcer ses campagnes de sensibilisation auprès du grand public, en multipliant les rappels dans les gares, les trains et via ses applications mobiles. L’objectif : prévenir autant que possible les oublis et éviter la mise en œuvre systématique de procédures de sécurité qui, bien que nécessaires, génèrent d’importantes perturbations pour l’ensemble des usagers.
En parallèle, des discussions sont également en cours pour envisager des solutions d’accompagnement améliorées dans les situations de crise, en particulier pour les derniers trains de la journée, souvent empruntés par des voyageurs plus vulnérables.
Un incident qui, au-delà de l’anecdote, met en lumière l’impact réel de la sécurité ferroviaire sur la fluidité du transport quotidien et la nécessité d’un équilibre entre rigueur sécuritaire et accompagnement humain des passagers.