Près de 300 emplois menacés à Dunkerque. L’annonce du plan social chez ArcelorMittal a jeté une ombre sur les célébrations du 1er Mai dans la ville portuaire. Environ 1 000 personnes ont battu le pavé pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme un abandon industriel.

Mobilisation inédite sous le soleil dunkerquois
Le traditionnel défilé du 1er Mai à Dunkerque a cette année pris une tournure particulière. Derrière les banderoles syndicales, ce sont avant tout les salariés d’ArcelorMittal qui ont pris la tête du cortège, bien décidés à faire entendre leur colère. L’annonce de la suppression de 620 postes à l’échelle nationale, dont près de 300 dans les usines dunkerquoises, a provoqué une onde de choc dans une région historiquement liée à la sidérurgie.
Figure emblématique de ce rassemblement, Marcel, fondeur chez ArcelorMittal depuis plus de vingt ans, s’est avancé vêtu de sa veste aluminisée, symbole de son métier. Il confie avoir participé à cette marche par devoir : « Je suis là pour mes collègues, pour ma famille et pour cette ville. L’usine, c’est notre vie ici. »
« On défend nos emplois mais aussi tout le Dunkerquois. Arcelor a quand même mis trois millions d’euros dans les bus gratuits. »
Marcel, salarié ArcelorMittal depuis 2001
Une présence politique marquée
La manifestation a été l’occasion d’une importante mobilisation politique. Plusieurs responsables nationaux ont fait le déplacement, notamment Olivier Faure (PS), François Ruffin (LFI), Marine Tondelier (Écologistes) ou encore le président de la communauté urbaine, Patrice Vergriete.
Chacun a livré son analyse de la situation, avec des tonalités diverses mais une indignation commune. Pour François Ruffin, la crise dépasse la simple logique comptable.
« Il y a la question de la souveraineté française en matière de sidérurgie. On parle tous les jours de souveraineté et là ArcelorMittal balaie tout ça d’un revers de manche. »
François Ruffin, député de la Somme
Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale a d’ailleurs annoncé le dépôt d’une proposition de loi visant à placer le site dunkerquois sous tutelle de l’État. Un geste politique fort, mais encore symbolique à ce stade.
La CGT hausse le ton
À l’origine de l’appel à manifester, la CGT ArcelorMittal dénonce une stratégie industrielle floue et une absence de dialogue avec les pouvoirs publics. Pour Gaëtan Lecocq, représentant du syndicat, la situation actuelle était largement prévisible.
« Cela fait plus d’un an qu’on tire la sonnette d’alarme. Si on n’engage pas cette année les projets de décarbonation, c’est foutu. »
Gaëtan Lecocq, CGT ArcelorMittal
Le syndicat évoque un climat de dégradation progressive des conditions de travail et un sous-investissement chronique dans les infrastructures. Selon plusieurs témoignages de salariés, des réparations sont souvent effectuées « avec des bouts de scotch », illustrant un sentiment de désengagement de la direction sur le terrain.
Entre mobilisation et résignation
Malgré une forte symbolique et une organisation soignée, la mobilisation du 1er Mai n’a pas atteint les proportions espérées. Entre 800 et 1 500 personnes ont été comptabilisées selon les sources, loin des 3 200 salariés employés sur le site dunkerquois d’ArcelorMittal.
Cette participation modeste soulève des interrogations sur la capacité de la population à se mobiliser face à un plan social d’une telle ampleur. « C’est un peu tard », murmure un salarié en fin de cortège. D’autres évoquent une lassitude face à ce qu’ils perçoivent comme une lente érosion industrielle entamée depuis des années.
Un avenir industriel incertain
Le site dunkerquois d’ArcelorMittal est l’un des piliers de l’activité économique locale. L’annonce des suppressions d’emplois intervient alors même que le groupe sidérurgique avait récemment communiqué sur des projets de modernisation et de décarbonation de son outil de production, portés notamment par des financements publics.
Mais ces projets semblent aujourd’hui suspendus à la clarification du plan social. Plusieurs élus locaux demandent que les aides publiques soient conditionnées au maintien des emplois. Une position partagée dans l’hémicycle régional, où une motion contre les licenciements a été adoptée à l’unanimité.
Des répercussions au-delà de Dunkerque
La situation dunkerquoise illustre un malaise plus large dans l’industrie française. Les suppressions de postes chez ArcelorMittal interviennent dans un contexte de transition énergétique accélérée, où la sidérurgie est confrontée à des contraintes environnementales croissantes sans toujours disposer des moyens de les affronter.
Pour les syndicats, cette transition ne doit pas se faire au détriment des emplois. La CGT évoque déjà d’autres actions à venir, dont la possible perturbation du passage du Tour de France prévu en juillet dans la région.
« On ne va pas rester les bras croisés pendant qu’on sacrifie notre avenir industriel. »
Gaëtan Lecocq, CGT ArcelorMittal
Le silence de l’exécutif interroge
À ce jour, ni le ministère de l’Économie ni celui du Travail n’ont pris la parole publiquement sur le dossier dunkerquois. Ce silence est vivement critiqué par l’ensemble des élus présents lors de la manifestation, qui appellent à un arbitrage rapide et une prise de responsabilité de l’État.
Dans l’attente, l’inquiétude grandit. Pour les manifestants du 1er Mai, cette journée n’est que le début d’un combat qu’ils annoncent long et déterminé. Les mois à venir seront décisifs pour l’avenir industriel du Dunkerquois, mais aussi pour la crédibilité des politiques publiques en matière de réindustrialisation.