La cour d’appel de Mons a décidé de renvoyer Paolo Falzone, conducteur du véhicule impliqué dans le drame de Strépy-Bracquegnies en 2022, devant la cour d’assises du Hainaut. Il sera jugé pour sept meurtres et 80 tentatives de meurtre. Son cousin, passager au moment des faits, est poursuivi pour non-assistance à personne en danger.
Le 20 mars 2022, un cortège de « gilles » s’apprêtait à défiler dans les rues de Strépy-Bracquegnies, en Belgique, lorsque, à l’aube, une BMW noire a foncé à vive allure dans la foule. Sept personnes ont perdu la vie, dont six sur le coup. Plus de 80 autres ont été blessées, parfois grièvement. L’émotion suscitée par ce drame avait été considérable, dans le pays comme au-delà de ses frontières. Trois ans plus tard, la justice belge renvoie Paolo Falzone, conducteur du véhicule, devant une cour d’assises pour des faits d’une gravité exceptionnelle.

Une scène d’horreur au petit matin
Vers cinq heures du matin, alors que le traditionnel ramassage des participants battait son plein, une BMW série 5 conduite par Paolo Falzone a percuté de plein fouet un groupe de carnavaleux. L’enquête a établi que le véhicule roulait à une vitesse largement excessive, sans aucune tentative de freinage significative avant l’impact.
Selon les conclusions de la police fédérale, l’accélération du véhicule a été enregistrée sur plusieurs dizaines de mètres. Deux des victimes ont traversé le pare-brise. Une autre a été projetée sur le capot avant de passer sous les roues du véhicule.
« Je n’ai pas entendu la voiture ralentir, et elle ne s’est arrêtée qu’à l’autre bout de la rue, cinq ou six cents mètres plus loin », a témoigné un riverain.
Un comportement jugé dangereux
Les investigations ont révélé que Paolo Falzone revenait d’une boîte de nuit, accompagné de son cousin, Antonino Falzone, présent sur le siège passager. Le conducteur, âgé de 28 ans au moment des faits, se filmait avec son téléphone portable tout en discutant avec son passager. Son taux d’alcoolémie était légèrement supérieur à la limite légale autorisée. Aucun stupéfiant n’a été détecté lors des tests salivaires.
Le parquet a insisté sur la combinaison de plusieurs facteurs aggravants : vitesse excessive, distraction au volant, consommation d’alcool et absence totale de réaction de freinage avant l’impact. Le comportement de Paolo Falzone est dès lors considéré comme incompatible avec un simple accident de la route.
« Nous avons affaire à un acte d’une brutalité inouïe, dont les conséquences humaines sont dramatiques », a déclaré une source proche de l’enquête.
Des qualifications pénales lourdes
Dans une première phase d’instruction, seule la mort d’un des carnavaleux, Frédéric D’Andrea, avait été requalifiée en « meurtre ». Mais un débat subsistait sur les six autres décès. L’avocat de Paolo Falzone, Me Frank Discepoli, plaidait l’absence d’intention criminelle, affirmant que son client n’a jamais voulu tuer et qu’il s’agirait d’un accident dramatique.
Cette ligne de défense n’a pas convaincu la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Mons, qui a retenu la qualification de meurtres pour les sept décès. En outre, les 80 blessés ont tous été reconnus comme victimes de tentatives de meurtre.
Le cousin jugé pour non-assistance
Antonino Falzone, qui se trouvait à bord du véhicule au moment du drame, est également poursuivi. Il ne fait cependant l’objet que d’une seule infraction : non-assistance à personne en danger. Les juges estiment qu’il aurait pu intervenir ou empêcher le drame, ou du moins alerter les secours de manière plus rapide.
Il encourt jusqu’à deux ans d’emprisonnement. La justice n’a pas établi qu’il avait eu une influence directe sur la conduite de Paolo Falzone, mais elle considère son inaction comme juridiquement répréhensible.
Détention partielle avant le procès
Paolo Falzone, qui avait été placé sous bracelet électronique peu après les faits, a brièvement été incarcéré début avril, avant de retrouver une surveillance à domicile. Son avocat avait plaidé la nécessité d’un retour au régime électronique dans l’attente du procès, ce que la chambre du conseil a accepté.
Le calendrier du procès reste à définir, mais il devrait se tenir devant la cour d’assises du Hainaut dans le courant de l’année 2025. Le dossier, particulièrement volumineux, regroupe plus de 2 000 pièces, dont de nombreux témoignages, analyses techniques, expertises médico-légales et vidéos.
Une commune encore marquée
Trois ans après les faits, le traumatisme reste vif à Strépy-Bracquegnies. Chaque année, une cérémonie rend hommage aux victimes, en présence de leurs proches et des autorités locales. Le carnaval a repris, mais avec des mesures de sécurité renforcées.
Le souvenir du drame, lui, est toujours présent. Dans les rues, sur les façades, les portraits des victimes rappellent la violence de l’événement et la nécessité de justice.
« On ne pourra jamais oublier ce qu’il s’est passé ce matin-là. Ce n’était pas un accident. C’était un carnage », affirme une habitante du quartier.
Une affaire suivie de près
Au-delà de son impact local, le procès de Paolo Falzone sera suivi de près à l’échelle nationale. Il soulève des questions fondamentales sur la qualification juridique des comportements routiers extrêmes, sur la notion d’intentionnalité en matière criminelle, et sur la responsabilité morale des personnes présentes mais passives face à un danger imminent.
Le verdict, lorsqu’il tombera, pourrait faire jurisprudence dans d’autres affaires impliquant des comportements similaires.