Un établissement majeur de l’enseignement supérieur français perd 29 places dans le palmarès mondial, désormais situé entre le 400e et le 500e rang. Son président appelle à une réflexion sur les moyens accordés aux universités.
L’université de Lille, première de France par le nombre d’étudiants inscrits, enregistre un recul notable dans le classement académique de Shanghai 2025. L’établissement, seul du Nord–Pas-de-Calais à y figurer, quitte le top 400 pour se situer désormais entre la 400e et la 500e place mondiale. Une évolution qui interroge sur la place des universités françaises dans la compétition internationale.

Un classement scruté chaque année
Créé en 2003 par l’Université Jiao Tong de Shanghai, ce palmarès évalue plus de 2 500 établissements dans le monde et en publie chaque année une liste restreinte de 1 000 universités. Les critères portent notamment sur la qualité des publications scientifiques, le nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi les anciens élèves ou enseignants, ainsi que le volume de chercheurs les plus cités.
Dans cette hiérarchie, les universités américaines dominent largement : Harvard conserve la première place, suivie par Stanford et le Massachusetts Institute of Technology (MIT). En Europe, les établissements britanniques et suisses maintiennent une visibilité significative.
La position française en demi-teinte
Treizième au niveau mondial, l’Université Paris-Saclay reste la mieux classée des établissements français. Elle devance largement les autres grandes universités hexagonales, dont Aix-Marseille, qui se situe dans le top 200. L’Université de Lille se place entre la 15e et la 18e position française, alors qu’elle figurait jusqu’à récemment dans le premier tiers du palmarès national.
À l’échelle régionale, aucune autre université du Nord–Pas-de-Calais n’apparaît dans le classement. En revanche, l’Université de Picardie Jules-Verne, à Amiens, fait son entrée entre les 901e et 1 000e places.
Les raisons du recul
Selon la direction de l’Université de Lille, la baisse est principalement liée à un critère précis : le nombre de chercheurs les plus cités dans les publications scientifiques. L’établissement est passé de neuf à six chercheurs recensés dans cette catégorie.
« Dans le détail, on sait que le critère qui nous a fait perdre des places est celui du nombre de chercheurs les plus cités dans les publications. On est passé de neuf à six », explique Régis Bordet, président de l’Université de Lille.
Le responsable souligne l’importance d’un suivi permanent de ces indicateurs et d’une incitation à la production scientifique dans l’ensemble des disciplines, au-delà de quelques secteurs spécialisés.
La question des moyens financiers
Avec environ 80 000 étudiants, l’Université de Lille partage avec Aix-Marseille le statut de plus grand campus de France. Cette dimension représente un défi particulier : le temps de travail des enseignants-chercheurs est largement absorbé par les missions de formation, au détriment de la recherche, critère central dans le classement de Shanghai.
« Dans la mesure où notre subvention pour charge de service public n’est pas en relation avec notre nombre d’étudiants, de très nombreux enseignants sont obligés de faire des heures complémentaires. Et c’est le temps qu’ils ne passent pas à faire de la recherche », souligne Régis Bordet.
La comparaison avec Aix-Marseille, mieux placée malgré un effectif étudiant équivalent, met en lumière des écarts historiques de dotation. Selon son président, l’université du Sud a pu investir entre 10 et 15 millions d’euros pour attirer des chercheurs internationaux, une marge de manœuvre dont Lille ne dispose pas.
Un signal pour le débat budgétaire
Alors que le Parlement s’apprête à examiner les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche, la baisse de plusieurs universités françaises dans ce classement est perçue comme un signal d’alerte.
« À quelques semaines du débat budgétaire au Parlement, ce léger recul de beaucoup d’universités doit faire réfléchir. Les parlementaires doivent être conscients qu’on ne peut pas demander aux universités françaises de jouer leur rôle dans la compétition internationale et, en même temps, restreindre leur budget », avertit Régis Bordet.
Le président suggère également une redistribution partielle du crédit impôt recherche (CIR), actuellement orienté vers les entreprises.
« Si on mobilisait ne serait-ce que 10 % du crédit impôt recherche pour les universités les moins dotées, cela nous permettrait de poursuivre notre travail de qualité dans la formation tout en investissant dans la recherche », estime-t-il.
Perspectives et enjeux à long terme
Au-delà des variations annuelles du classement, la situation met en évidence les difficultés structurelles rencontrées par certaines universités françaises : financement contraint, équilibre délicat entre missions d’enseignement et recherche, attractivité internationale limitée.
Les années à venir dépendront de la capacité des établissements à renforcer leurs coopérations, attirer des chercheurs étrangers et valoriser leurs travaux à l’échelle mondiale. Pour Lille, la priorité reste de consolider sa position dans les disciplines d’excellence déjà reconnues, tout en élargissant sa visibilité à d’autres champs scientifiques.
La place des universités françaises dans les classements mondiaux demeure ainsi au cœur du débat sur le modèle d’enseignement supérieur, entre missions de service public et exigence de compétitivité internationale.