Le tribunal administratif de Lille annule la décision préfectorale : un soulagement pour l’établissement privé musulman

Le lycée Averroès, établissement privé musulman sous contrat situé à Lille, voit sa situation se stabiliser après des mois de turbulences. Le tribunal administratif a annulé, mercredi, la résiliation de son contrat d’association avec l’État, prononcée fin 2023. Une décision qui suscite un profond soulagement au sein de l’équipe éducative et rouvre des perspectives pour les élèves et enseignants.


Une décision de justice qui rétablit un équilibre fragilisé

« On va pouvoir de nouveau enseigner sereinement ». C’est par ces mots que Hana et Fatima, enseignantes au lycée Averroès, ont réagi à l’annonce du jugement rendu par le tribunal administratif de Lille. Après plusieurs mois d’incertitudes et de tensions, cette décision vient clore une séquence délicate pour l’établissement fondé en 2003, pionnier dans l’enseignement musulman sous contrat en France.

L’annulation de la résiliation du contrat d’association, décidée en décembre dernier par l’ancien préfet du Nord, repose sur plusieurs éléments pointés par la juridiction : l’absence de preuves tangibles concernant les accusations de manquements aux valeurs de la République et des irrégularités de procédure ayant entaché la légitimité de la décision administrative.


Retour sur une procédure contestée dès son origine

La résiliation du contrat avait été notifiée à l’établissement le 6 décembre 2023, à l’issue d’une réunion en préfecture. Le préfet Georges-François Leclerc avait alors invoqué « un manque de pluralisme au centre de documentation » et « des enseignements d’éthique jugés contraires aux principes républicains ». Des accusations rapidement contestées par l’établissement, qui a dénoncé une décision précipitée et sans fondement.

Les juges ont estimé que ces griefs « n’étaient pas démontrés », et que les seuls éléments avérés – un refus ponctuel d’inspection et un dysfonctionnement administratif de l’association gestionnaire – ne justifiaient pas une rupture aussi radicale du contrat liant l’établissement à l’État.

« Sur le fond, c’est simple, tout ce qu’a dit le préfet était faux »,
déclare Me Paul Jablonski, avocat du lycée Averroès.

Par ailleurs, le tribunal a mis en lumière des vices de procédure, notamment l’absence de représentation de l’établissement lors de la réunion de la commission consultative, ce qui constitue une atteinte aux droits de la défense.


Une décision saluée dans un contexte tendu

L’annonce de la décision judiciaire a été accueillie par des manifestations de joie au sein de l’établissement. Des élèves ont spontanément célébré la nouvelle, tandis que les enseignants évoquent un « soulagement immense ». Pour Mohamed Damak, président de l’association gestionnaire Averroès, cette victoire juridique intervient après une période financièrement éprouvante.

L’établissement a perdu près d’une centaine d’élèves en terminale et dû faire appel à la générosité des familles et donateurs pour maintenir l’activité scolaire. Près de 500 000 euros ont été récoltés en dons, et 400 000 euros de hausse des frais de scolarité ont été mis en place pour compenser la perte du financement public.

« On a pu tenir, mais le jugement tombe à pic »,
souligne Mohamed Damak.


Une bataille politique en arrière-plan

Le dossier Averroès a été marqué par de fortes tensions politiques. Xavier Bertrand, président du Conseil régional des Hauts-de-France, s’était publiquement opposé à tout soutien financier à l’établissement, allant jusqu’à refuser de verser le forfait d’externat à partir de la rentrée 2020. Ce refus a à plusieurs reprises été retoqué par le Conseil d’État, qui a ordonné le versement des sommes dues.

Pour les avocats de l’établissement, cette affaire a été instrumentalisée dans un climat politique crispé autour des questions de laïcité et de l’enseignement confessionnel.

« On met un terme à une polémique lancée par l’extrême droite puis amplifiée par certains responsables politiques »,
estime Me Sefen Guez Guez, avocat du lycée.


Perspectives et incertitudes juridiques

Si la décision rendue marque un tournant, l’affaire pourrait ne pas s’arrêter là. Le ministère de l’Intérieur, partie prenante au contentieux, dispose encore de la possibilité de faire appel devant la cour administrative d’appel de Douai. Toutefois, un éventuel recours ne serait pas suspensif. L’établissement est donc réintégré de plein droit dans le système de l’Éducation nationale, avec un effet rétroactif à la rentrée de septembre 2024.

Conséquence directe : les enseignants placés en disponibilité vont être réintégrés, les boursiers pourront à nouveau bénéficier de l’aide publique, et les élèves de première et terminale passeront leurs examens dans un cadre officiel.

« C’est une journée historique pour l’établissement »,
résume un professeur de philosophie, qui enseigne depuis dix ans au lycée.

Par ailleurs, les conseils juridiques de l’établissement annoncent vouloir engager des discussions avec le rectorat pour évaluer les préjudices économiques et moraux subis. Une demande d’indemnisation pourrait être déposée dans les prochaines semaines.


Un signal pour l’ensemble de l’enseignement privé sous contrat

Ce jugement pourrait faire jurisprudence pour d’autres établissements confessionnels sous contrat, régulièrement confrontés à des remises en question de leur statut. Pour le monde éducatif, il interroge la capacité de l’administration à prendre des décisions équilibrées et fondées juridiquement, sans céder à des considérations idéologiques ou à la pression politique.

Le lycée Averroès, désormais renforcé par cette victoire judiciaire, entend poursuivre son projet pédagogique et cultiver son exigence académique. Il revendique un taux de réussite au baccalauréat supérieur à 98 % depuis plusieurs années et une ouverture de plus en plus marquée vers des partenariats universitaires.

L’affaire Averroès pose ainsi une question essentielle : celle de la place des établissements privés confessionnels dans la République, de leur encadrement, mais aussi de leur droit à être traités selon les mêmes règles que les autres.

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