Dix jours après sa condamnation à cinq ans d’inéligibilité, Marine Le Pen siège toujours officiellement comme conseillère départementale du Pas-de-Calais, un maintien qui interroge jusque dans les rangs de l’Assemblée nationale. Alors que le jugement du tribunal correctionnel de Paris ordonne une exécution immédiate de l’inéligibilité, l’absence de réaction administrative rapide soulève des critiques et alimente un débat politique déjà brûlant.

Condamnation avec exécution provisoire : que dit la loi ?
Le 1er avril, la présidente d’honneur du Rassemblement national a été condamnée à quatre ans de prison (dont deux ferme), 300 000 € d’amende et cinq ans d’inéligibilité, dans l’affaire dite des assistants parlementaires européens. Le tribunal correctionnel de Paris a explicitement ordonné l’exécution provisoire de cette inéligibilité, ce qui signifie qu’elle est applicable immédiatement, même en cas d’appel.
Or, Marine Le Pen n’a pas été démise d’office de son mandat local au conseil départemental du Pas-de-Calais, où elle est élue dans le canton d’Hénin-Beaumont 2. Une situation juridiquement intenable à moyen terme, mais toujours en suspens dix jours après le jugement.
Une alerte parlementaire
C’est le député centriste Harold Huwart (LIOT, Eure-et-Loir) qui a décidé de hausser le ton. Dans une lettre adressée à Bruno Retailleau, le nouveau ministre de l’Intérieur (Les Républicains), il dit ne pas comprendre pourquoi l’inéligibilité n’a pas encore été actée par les services de l’État. Il rappelle que dans d’autres cas, la procédure de déchéance d’un mandat local a été enclenchée dans les 48 heures.
« Dans des cas comparables, l’administration a fait preuve d’une réactivité exemplaire. Pourquoi pas ici ? », questionne-t-il.
Il cite le cas de Rachadi Saindou, conseiller départemental de Mayotte, démis de ses fonctions moins de 48 heures après sa condamnation pour détournement de fonds publics.
Où en est la procédure ?
Contactée par La Voix du Nord, la préfecture du Pas-de-Calais ne souhaite pas commenter dans l’immédiat mais confirme que « la procédure est en cours de finalisation ». Selon Le Parisien, la réception du jugement écrit par la préfecture n’aurait eu lieu que ce mardi 8 avril, condition préalable au lancement officiel de la procédure de démission d’office.
« D’ici quelques jours, bien entendu, les arrêtés seront pris conformément à la décision de justice », a confirmé Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, lors d’une conférence de presse ce jeudi.
L’arrêté préfectoral prononçant la démission d’office pourrait donc être publié sous peu, mettant fin de facto au mandat local de Marine Le Pen.
Qui pour la remplacer ?
En cas de vacance du siège, la remplaçante désignée est Christiane Duyme, suppléante de Marine Le Pen depuis les élections départementales de 2021. Cette militante RN de longue date à Évin-Malmaison devrait donc entrer au conseil départemental pour achever le mandat en cours, à moins qu’elle n’y renonce.
Des implications politiques lourdes
Si Marine Le Pen reste députée à l’Assemblée nationale, c’est parce que l’inéligibilité ne s’applique pas automatiquement à tous ses mandats. Pour une députée élue au suffrage universel, seule une décision du Conseil constitutionnel, saisie après une éventuelle élection contestée, peut entraîner la perte de son mandat parlementaire. Ce n’est donc pas automatique dans son cas à l’Assemblée, même si elle reste condamnée.
Mais sur le plan symbolique et politique, cette affaire tombe à un moment crucial. La leader d’extrême droite est présentée comme candidate naturelle pour 2027, et tout soupçon de traitement différencié ou de laxisme administratif pourrait relancer les accusations de favoritisme institutionnel que certains formulent déjà.
À retenir
- Marine Le Pen a été condamnée le 1er avril à cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate.
- Elle reste pourtant conseillère départementale dans le Pas-de-Calais, en attente de la notification officielle du jugement.
- La préfecture du Pas-de-Calais assure que l’arrêté est en préparation.
- Une suppléante est prête à la remplacer, Christiane Duyme.
- La polémique pourrait fragiliser davantage la figure politique de Marine Le Pen, déjà affaiblie par sa condamnation.