Face à l’inflation, les familles jonglent entre menus planifiés, chasse aux promotions et passage obligé par les enseignes discount. Tous témoignent de la même impression : manger coûte plus cher qu’avant.

Un quotidien réorganisé autour du caddie
La hausse des prix dans les rayons n’est plus un sujet abstrait. Elle se constate directement dans les tickets de caisse, semaine après semaine. Entre listes millimétrées et arbitrages douloureux, de nombreux ménages réorganisent leur quotidien autour d’un poste budgétaire qui pèse de plus en plus lourd : l’alimentation.
Les dernières données de l’Insee indiquent une inflation alimentaire de plus de 10 % sur deux ans. Dans les parkings des grandes surfaces de la métropole, cette statistique prend corps dans les récits de clients aux profils très différents mais confrontés à la même équation : dépenser moins tout en nourrissant correctement leur foyer.
Patrick, le tableau Excel de la rigueur
Patrick, 76 ans, sort d’un hypermarché, chariot peu rempli. Retraité, il note ses dépenses alimentaires dans un fichier Excel depuis des années.
« En alimentaire, nos dépenses hebdomadaires s’élèvent à 130 euros. Facile 10 % de plus qu’il y a quelques années. »
L’observation est confirmée par un panier-test comparé à un an d’intervalle : 127,17 € en octobre 2022, 143,41 € en juin 2023, soit une hausse de 12,8 %. Dans le cas de Patrick, l’augmentation a été partiellement absorbée par la réduction du foyer, passé de quatre à deux personnes.
Barbara : « moins de plaisirs » et une gestion stricte
Barbara, mère célibataire de trois enfants, a adopté une méthode différente. Ses revenus atteignent 1 500 euros par mois, complétés par des aides sociales.
« Les courses alimentaires me coûtent 300 euros par mois. Je transfère cette somme chaque semaine sur mon compte courses, et pas un euro de plus. »
Menus planifiés, achats réduits au strict nécessaire, plaisirs limités : son budget ne laisse aucune place à l’imprévu.
Moins de viande, moins de marques
Aurélie et Nicolas, tous deux éducateurs spécialisés, partagent le même constat. Avec deux enfants, leurs courses s’élèvent à environ 120 euros par semaine.
« On fait nos menus à l’avance et on ne prend plus de marques du tout. Moins de fromage, moins de viande… On choisit les lardons plutôt que le steak. »
Le couple s’oriente désormais vers le hard-discount, qu’il boudait auparavant. Une bascule significative dans les habitudes de consommation de familles qui se disaient autrefois attachées à certaines marques.
Le hard-discount, recours incontournable
À Lomme, sur le parking d’une enseigne discount, les témoignages s’accumulent. Carmel, employée dans la petite enfance, dépense 60 euros par semaine pour nourrir sa famille.
« Avant, pour la même chose, je ne payais pas plus de 30 euros. »
Pour Fabienne, l’essentiel se joue dans la chasse aux promotions. Elle raconte avoir acheté huit bidons de lessive d’un coup grâce à une réduction exceptionnelle.
« Tous les prix ont augmenté. Regardez la pâte à tartiner : avant 5,50 euros le kilo, maintenant 7 ! »
Entre résignation et soutien discret
Aucun des clients rencontrés ne prévoit de manifester lors des prochaines mobilisations sur le pouvoir d’achat. Les raisons invoquées vont du manque de disponibilité à la crainte des débordements. Tous expriment néanmoins leur soutien aux revendications.
« On se mobilisera dans les urnes », glisse Nicolas.
Le sentiment partagé est celui d’une résignation active : chacun développe ses propres méthodes pour contenir la hausse, sans réelle perspective d’un retour rapide à des prix plus accessibles.
Un phénomène durable
Les économistes rappellent que si le rythme de l’inflation tend à ralentir, les prix atteints ces dernières années ne redescendront pas. Le budget alimentaire reste donc un sujet de vigilance pour les foyers, au même titre que l’énergie ou le logement.
Entre promotions massives, arbitrages dans les assiettes et recours aux enseignes discount, les consommateurs adaptent leurs habitudes sans grande illusion. Dans l’attente de solutions structurelles, la liste de courses demeure l’un des principaux baromètres du quotidien.