Première femme diplomate marocaine en poste en Israël, Chaimae Bouazzaoui est devenue un symbole du rapprochement né des Accords d’Abraham. Mais son admiration ouverte pour Donald Trump et son engagement sans nuance en faveur d’Israël suscitent critiques et malaise, alors que la guerre de Gaza est qualifiée par de nombreux observateurs comme un génocide en cours.

Une diplomatie en rupture avec l’opinion publique
Nommée en 2021 conseillère politique à la Mission de liaison du Maroc en Israël, Chaimae Bouazzaoui a incarné l’entrée du royaume dans une nouvelle ère diplomatique, consacrée par les Accords d’Abraham. Mais ce rôle, présenté comme « historique », s’est rapidement heurté à une réalité glaçante : le rapprochement officiel avec un État engagé dans une guerre meurtrière à Gaza, alors même que l’opinion publique marocaine reste massivement solidaire de la cause palestinienne.
Le contraste est saisissant : là où la rue réclame la rupture des relations, la diplomate vante la solidité des Accords et minimise les conséquences humaines du conflit.
L’éloge assumé de Trump et des Accords d’Abraham
Chaimae Bouazzaoui s’inscrit clairement dans l’héritage de Donald Trump. Elle revendique le rôle central de l’ancien président américain dans le processus de normalisation et défend sa vision géopolitique, alors même que celle-ci a été dénoncée comme cynique et partiale.
« Les Accords d’Abraham demeurent solides malgré la guerre », a-t-elle assuré récemment, ignorant le décalage flagrant entre le discours diplomatique et la réalité des bombardements.
En assumant une telle ligne, la diplomate cautionne de facto la stratégie d’Israël, tout en renforçant l’influence de Washington et de ses alliés régionaux.
Entre ambition personnelle et silence sur Gaza
Son parcours impressionnant (major de promotion à plusieurs reprises, diplômée de Tunis et de Tel Aviv, conseillère auprès du ministre Bourita) est mis en avant comme un modèle de réussite. Mais derrière cette ascension se dessine une image moins flatteuse : celle d’une diplomate qui semble avoir fait le choix d’une carrière internationale en fermant les yeux sur le plus grand drame humanitaire contemporain.
Ni ses interventions publiques ni ses publications ne mentionnent le sort des civils palestiniens, pas plus qu’elles ne condamnent les destructions massives et les milliers de morts. Ce silence contraste brutalement avec l’histoire diplomatique du Maroc, traditionnellement plutôt attaché à la défense de la cause palestinienne, tout du moins publiquement.
Un malaise croissant au sein du royaume
Dans les milieux universitaires, diplomatiques et militants, le malaise grandit. Le rôle de Bouazzaoui illustre une diplomatie déconnectée des sensibilités populaires et qui s’aligne dangereusement sur les positions les plus contestées de la scène internationale.
« Nous assistons à une normalisation qui se fait au prix du droit des peuples », dénonce un analyste proche des mouvements de solidarité.
Le royaume, qui préside le Comité Al-Qods depuis 1975, se retrouve pris dans une contradiction : afficher son soutien historique à Jérusalem tout en consolidant des relations avec un État accusé de crimes de guerre.
La diplomatie marocaine en porte-à-faux
Le cas Bouazzaoui n’est pas seulement individuel. Il reflète une orientation politique plus large où la reconnaissance d’Israël par Rabat devient une monnaie d’échange dans les négociations avec Washington, notamment sur la question du Sahara occidental. Cette logique transactionnelle, assumée par le pouvoir, place la diplomatie marocaine dans une posture périlleuse : celle de troquer une cause noble, légitime et universelle contre des gains géostratégiques à court terme.
Chaimae Bouazzaoui n’est pas une simple fonctionnaire du corps diplomatique : elle est le visage d’une normalisation maroco-israélienne décriée, assumée dans la droite ligne de Donald Trump, et en totale contradiction avec les aspirations populaires. Son ascension personnelle et ses louanges à l’égard d’un processus largement dénoncé mettent en lumière une diplomatie marocaine fracturée entre opportunisme politique et responsabilité morale.
À l’heure où Gaza saigne, sa voix, plus que jamais, incarne le silence complice d’un appareil diplomatique qui choisit ses alliances au détriment de ses principes.