Érigé durant la Première Guerre mondiale par les soldats allemands du génie, un bunker militaire enfoui dans les terres de Comines-Belgique a été restauré par des bénévoles passionnés. Depuis 2006, il est devenu un musée discret mais chargé d’histoire, visitable uniquement sur rendez-vous.
Un monument longtemps oublié
Caché sous la végétation, invisible aux passants, le blockhaus de Comines-Belgique fut longtemps relégué à l’oubli. Pourtant, ce vestige de la Première Guerre mondiale, construit entre mars et avril 1917 par les troupes allemandes du génie – les Pioniers – constitue un témoin exceptionnel de l’ingéniosité militaire de l’époque. Édifié à l’écart du front pour anticiper une offensive alliée, ce poste de tir en béton armé visait à contrôler le bras mort de la Lys, aujourd’hui disparu.
« Il a été construit en pleine nuit ou dissimulé sous la végétation pour éviter d’être repéré par les avions ennemis », expliquent les bénévoles en charge du site.
Avec ses murs atteignant jusqu’à 1,60 mètre d’épaisseur et son toit renforcé, le blockhaus n’était ni un centre de commandement ni un lieu de vie, mais un point défensif destiné à résister aux tirs d’artillerie. Ses trois pièces compactes sont aujourd’hui ouvertes aux visiteurs grâce à la ténacité d’un duo local d’historiens amateurs.
Un projet porté par des bénévoles passionnés
C’est en 2003 que le destin de ce blockhaus bascule. François Maekelberg, passionné d’histoire militaire et membre du Comité de la Bataille du Canal, remarque une ouverture partiellement obstruée. Intrigué, il y pénètre. L’intérieur, encore solide malgré l’humidité et les années, le pousse à imaginer une restauration. Il convainc alors Freddy Dubus, son complice dans cette aventure, et ensemble ils mobilisent la municipalité pour acquérir le terrain et entamer des travaux.
« Il a fallu pomper l’eau, sécuriser les accès, électrifier le lieu, ajouter un escalier… rien n’était fait pour accueillir du public », détaille le duo.
Après trois années de labeur, le site est prêt à recevoir ses premiers visiteurs. Mais les bénévoles veulent aller plus loin qu’une simple visite de béton. Ils décident de recréer des scènes de vie inspirées du quotidien des soldats allemands en s’appuyant sur leur propre collection d’objets historiques : uniformes, équipements, outils, effets personnels.
Des objets qui racontent la guerre
Chaque objet exposé a été choisi avec soin. Certains ont été retrouvés dans la région, d’autres ont été collectés au fil des années lors de salons militaria ou de dons de familles locales. L’idée est de permettre au visiteur de plonger dans l’ambiance de 1917, même si l’espace n’a jamais été un lieu de vie en soi.
« On a reproduit un petit atelier, avec un générateur comme il en existait à proximité des lignes arrière. Cela permet de comprendre l’organisation logistique autour des blockhaus », précisent les bénévoles.
L’objectif est de transmettre, sans pathos, une mémoire concrète de la guerre à travers des éléments tangibles. Le tout est enrichi de panneaux explicatifs traduits en plusieurs langues, dont l’allemand et l’anglais, pour accueillir un public international.
« Un jour, un visiteur venu du Danemark nous a raconté que son grand-père allemand avait combattu ici. Il voulait voir de ses propres yeux l’endroit. Ce sont des moments forts. »
Une mémoire transfrontalière
Situé à quelques centaines de mètres de la frontière française, le Pionier Blockhaus 14-18 s’inscrit dans une région profondément marquée par les deux conflits mondiaux. À proximité, d’autres sites mémoriels comme le musée de la Ligne Maginot ou le musée Verlaine à Tourcoing complètent ce maillage transfrontalier du souvenir.
Mais à la différence des grands musées institutionnels, celui de Comines-Belgique reste à taille humaine, géré de façon associative et totalement bénévole. Il n’est pas ouvert en permanence, mais uniquement de mai à novembre, sur rendez-vous, pour garantir des visites de qualité.
« Nous prenons le temps d’échanger, de répondre aux questions, d’expliquer le contexte. Ce n’est pas une visite chronométrée. »
Entre conservation et transmission
Le blockhaus est aujourd’hui protégé, mais demeure fragile. Les infiltrations d’eau, les contraintes climatiques et le vieillissement des matériaux imposent une vigilance constante. L’entretien régulier est assuré par les membres de l’association, toujours sans financement institutionnel pérenne.
Face à la disparition progressive des derniers témoins directs de la Grande Guerre, le rôle de ce musée devient d’autant plus crucial. Il permet aux jeunes générations d’appréhender une période complexe de l’histoire européenne, sur le terrain même où elle s’est jouée.
« Ce bunker, c’est une capsule du passé. Il nous rappelle que la guerre n’est pas qu’un chapitre dans les livres, mais une réalité inscrite dans notre sol », soulignent les bénévoles.
Informations pratiques
Le musée « Pionier Blockhaus 14-18 » est situé à Comines-Belgique. Les visites se font uniquement sur réservation, entre mai et novembre. L’entrée est fixée à 1 € symbolique.
Réservations :
Tél. France : 06 81 20 51 16
Tél. Belgique : +32 56 55 50 25
Mail : f.maekelberg@gmail.com
