Dans l’ombre des promeneurs, les baliseurs bénévoles assurent la lisibilité et la sécurité des sentiers pédestres. Leur mission, essentielle et peu connue, garantit une pratique sereine de la randonnée dans la région.
Chaque année, plusieurs milliers de kilomètres de chemins sont entretenus grâce au travail discret de baliseurs bénévoles. Munis de pinceaux, de pochoirs et d’autocollants, ils arpentent les sentiers pour y apposer les précieuses marques colorées qui guident les randonneurs. Une mission de terrain qui allie rigueur, connaissance du territoire et engagement bénévole.

Des marques pour ne pas se perdre
Sur un tronc d’arbre, un rocher ou un poteau, une simple trace de peinture peut faire la différence entre une promenade réussie et une mésaventure. Le balisage des sentiers de randonnée, codifié et standardisé, répond à une logique précise. Rouge et blanc pour les sentiers de grande randonnée (GR), jaune et rouge pour les GR de pays (GRP), et jaune pour les promenades et randonnées (PR).
Derrière cette signalétique se cache un maillage complexe de circuits, suivi par des baliseurs mandatés par la Fédération française de randonnée pédestre (FFRP). Rien n’est laissé au hasard.
« Le randonneur qui suit correctement le balisage ne peut pas se perdre. C’est une question de sécurité autant que d’orientation »,
| Patrick Jamin, vice-président de la FFRP dans le Nord.
Environ tous les 150 mètres, une marque doit être visible. Si elle disparaît, devient illisible ou si un obstacle perturbe le passage, il faut intervenir rapidement. C’est tout l’enjeu du travail de ces volontaires formés à la tâche.
Un travail de fourmi sur des milliers de kilomètres
Dans les Hauts-de-France, près de 400 baliseurs sont mobilisés. Dans le Nord, ils sont 270 à surveiller et entretenir un réseau dense de sentiers. Dans le Pas-de-Calais, on en compte 113. Les circuits relevant de la FFRP sont définis par conventions signées avec les départements ou les intercommunalités.
« Sur les 4 000 à 5 000 kilomètres de PR recensés dans la région, environ 3 500 sont sous convention avec le Département du Nord »,
| Jacques Duhem, administrateur de la FFRP.
À raison d’une vérification annuelle minimum, ces bénévoles se relaient sur des tronçons spécifiques qui leur sont attribués. Chacun connaît son itinéraire, ses particularités, ses fragilités. Leur équipement est simple mais précis : peinture normalisée, pinceaux, pochoirs, autocollants, brosse métallique, gants et chaussures de marche.
Des sentiers vivants, à adapter en permanence
Les sentiers sont vivants. Un arbre peut tomber, un chemin s’éroder, une clôture être déplacée. Les baliseurs doivent alors adapter l’itinéraire, poser un balisage temporaire, signaler l’incident aux autorités compétentes et revenir une fois le passage rétabli.
Ce rôle d’alerte fait partie intégrante de leur mission. La réactivité est essentielle, notamment sur les GR très fréquentés. En zone boisée, la végétation peut rapidement recouvrir une marque. En terrain agricole, les rotations de cultures peuvent perturber la lisibilité d’un passage.
« Le baliseur est à la fois un observateur du territoire et un relais d’information. Il doit signaler tout changement ou danger sur le sentier »,
| Danyèle Playez, présidente de la FFRP du Pas-de-Calais.
Dans ce département, les itinéraires sont aussi soumis à des appels d’offres pour leur création et leur entretien, un fonctionnement différent du Nord mais qui repose également sur une coopération étroite entre collectivités et associations de randonnée.
Une mission bénévole, mais réglementée
Le balisage ne s’improvise pas. Les baliseurs sont formés par la FFRP, doivent respecter des règles strictes, et ne peuvent pas poser de marques sur n’importe quel support. Les balises sont exclusivement apposées sur des éléments fixes, pérennes, et avec l’accord des propriétaires ou des collectivités.
« Le baliseur a un droit de baliser sur des supports publics ou autorisés. Il ne peut pas marquer un mur privé sans autorisation, par exemple »,
| Jacques Duhem.
Cette rigueur s’explique par la nécessité d’un balisage uniforme sur tout le territoire, lisible quelle que soit la région, et compris de tous les pratiquants, y compris étrangers. Les marques obéissent à une charte graphique précise, en taille comme en couleur.
GPS ou balisage, pourquoi les deux coexistent
À l’heure des applications de randonnée et des GPS embarqués, certains pourraient croire que le balisage est dépassé. Il n’en est rien. En forêt, en montagne ou simplement en zone blanche, les outils numériques montrent vite leurs limites. La balise physique, elle, reste toujours visible, même sans réseau ni batterie.
« L’un ne remplace pas l’autre. Le numérique peut compléter, mais le balisage est la garantie physique que l’on est sur le bon chemin »,
| Patrick Jamin.
Les fiches de randonnée ou les topo-guides diffusés par la FFRP intègrent souvent les deux : cartes, traces GPS et indication du balisage. Une complémentarité devenue précieuse, notamment pour les itinéraires en boucle, très prisés.
Une passion discrète au service de tous
Souvent invisibles, les baliseurs œuvrent dans la discrétion. Ni rémunérés, ni mis en avant, ils parcourent leurs tronçons par tous les temps. Leur récompense ? Un sentier clair, emprunté en toute sécurité par des milliers de marcheurs chaque année. Pour certains, c’est aussi une façon de rester actif, utile, au contact de la nature.
Cette chaîne de bénévolat, essentielle à la qualité des sentiers français, repose sur un engagement durable et rigoureux. Elle mérite d’être reconnue, alors même que la randonnée connaît un regain d’intérêt constant, notamment depuis la crise sanitaire.
« Nous manquons parfois de bras. Il faut former de nouveaux baliseurs, assurer la relève. C’est une mission gratifiante et utile »,
| Danyèle Playez.
Vers une évolution du rôle des baliseurs ?
À l’avenir, les baliseurs pourraient être appelés à jouer un rôle encore plus large : intégration de données environnementales, signalement d’espèces invasives, collaboration avec les gestionnaires de sites naturels. Certaines fédérations régionales travaillent déjà sur ces pistes.
Mais une chose est sûre : tant que les chemins existeront, ils auront besoin d’être balisés. Et derrière chaque marque peinte, un œil attentif aura veillé à ce qu’elle montre la bonne direction.